Comédie des humeurs tantôt acerbe tantôt tendre, Le festin met en scène des hommes et des femmes dont l’existence se percute en Cornouailles en 1947, dans la pension de famille des Siddal. Plusieurs familles y cohabitent, entre les exigences des uns et les lubies des autres, les amourettes des domestiques et les drames conjugaux, les jeux des enfants et leurs bêtises pas toujours innocentes. Derrière l’humour de ce huis-clos charmant et pétillant, se dessinent les caractéristiques de la société anglaise d’après-guerre mais aussi la critique sociale qui semble se placer d’un point de vue neutre. En effet, Margaret Kennedy n’épargne personne, ni l’intendante, ni le chanoine, ni les Sirs ou autre Ladies, ni les orphelins, et crée des protagonistes archétypaux – mais sans oublier d’enrober les péchés qu’ils représentent sous des couches de chair, d’habits et d’histoire personnelle, ce qui permet au roman de ne jamais tomber dans la caricature malgré l’allégorie sous-jacente.
Dès le prologue, le drame final s’esquisse puisque deux prêtres évoquent la tragédie qui sera relatée dans les pages à venir : la falaise blanche surplombant la pension s’effondrera et enfouira la bâtisse ainsi que ses occupants sous la pierre. Après cette brève prolepse, l’autrice s’attache à dépeindre fidèlement le caractère des condamnés et des rescapés en s’attardant sur leurs manies, leurs relations aux autres, qu’ils croisent à chaque instant de la journée. Pour donner du rythme au Festin, modérer l’indolence des vacances et faire davantage ressortir les travers des héros bientôt disparus, elle mêle également à la narration quelques extraits de journaux et des bribes de lettres rompant la monotonie des journées à la mer. Les catastrophes lilliputiennes du quotidien sont, elles aussi, là pour souligner les défauts et les natures capricieuses de chacun de ses personnages, justifiant que la foudre divine s’abatte finalement sur eux, faisant du festin une délicieuse fable cruelle autant qu’une tendre comédie.
La sensibilité humaine de l’autrice et son ton, exquisément anglais, feront penser aux romans d’Elizabeth Jane Howard – à l’origine de la saga des Cazalet –, à son amour pour les détails et les personnalités fortes, imparfaites. D’ailleurs, malgré l’allégorie à l’œuvre ici, les quiproquos et l’humour parfois farce, Margaret Kennedy ne délaisse jamais la finesse qui caractérise aussi les romans d’Howard.
Un grand merci aux éditions de La Table Ronde pour cette lecture.
Margaret Kennedy – Le festin
[The Feast – traduit par Denise Van Moppès]
La Table Ronde
3 mars 2022
480 pages
24 euros
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Vraiment une merveille ce roman, nous sommes d’accord !
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🙂
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Il a tout pour me plaire celui-ci.
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C’est un régal !
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je me le note illico, vu l’enthousiasme général (ou presque) et je ne connais pas l’auteure 🙂
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Oh oui, je pense qu’il te plaira 🙂
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Je viens de publier ma chronique et je vois que nous nous rejoignons. Une jolie découverte d’une autrice que je ne connaissais pas…. J’ai également beaucoup pensé à la saga des Cazalet qui est dans le même esprit et dont j’attends avec impatience le dernier tome….. Ah le charme de la littérature anglaise mêlant drame, comédie, psychologie, histoire 🙂
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Je vais aller te lire de ce pas ! Effectivement c’est charmant, un peu désuet et délicieux, comme les Cazalet bien qu’en plus allégorique 🙂
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Merci Cécile , idéal pour s’évader en ce moment !
Bon week-end.
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Exactement !
Bon dimanche.
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J’en parle demain je te lirai ensuite 😉
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Ah j’attends ta chronique alors 😉
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Voilà qui donne envie !
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C’est une lecture délicieuse 🙂
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Je suis en train de le lire et je me régale.
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Ça ne m’étonne pas !
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