Dans la maison de mon père, Joseph O’Connor

Comme dans Le bal des ombres, Joseph O’Connor fait revivre l’Histoire. Il colore d’anciens clichés jaunis et les parsème de vie, d’odeurs et de lumière. À Rome, en 1943, Noël approche. Le Vatican est une enclave neutre dans l’Italie occupée, repaire des partisans qui luttent pour la souveraineté de la paix. En particulier, un Chœur résiste, mené par un père courageux et touchant derrière son apparente austérité – l’auteur rend un vibrant hommage à Hugh O’Flaherty et à sa bravoure quoiqu’il laisse la fiction l’emporter.

L’auteur file la métaphore musicale à travers tout son roman, habité par une certaine mélodie qui se retrouve dans sa langue. Imagée, riche d’évocations, sensible au sens premier du terme, elle se transforme au fil des pages, modelée par les voix narratives changeantes. Plusieurs choristes se relaient pour raconter ce réveillon mémorable, certains relatant les événements depuis les années 1960, d’autres écrivant leurs mémoires tandis que les derniers vivent les troubles de l’intérieur, courent les via de la capitale pour sauver des prisonniers évadés, des Juifs et des malchanceux. Tous se sont unis, ont collaboré pour le bien, se sont aimés et ont fait front malgré le froid, les blessures, les imprévus, la peur paralysante qui enfle dans les membres et les ankylose plus encore que la morsure de la neige. Les nazis sont là, rôdent, observent, soupçonnent. Hugh, Marianna, Jo, John, Sam et Enzo complotent, relatent l’extraordinaire, traduits par la plume protéiforme de Carine Chichereau.

Joseph O’Connor est parvenu à conférer à chacun – ou à chaque chapitre relatant l’un d’eux – une teinte particulière, une chaleur distinctive, et leur nombre ne dérange pas. Leur personnalité se dessine via leur timbre, leur discours soigné, familier et authentique, procédurier ou plein de l’urgence du secret. Si les premières pages confondent sans doute, elles entretiennent en réalité un mystère aussi soyeux que la nuit romaine, épicé.

Dans la maison de mon père est ainsi un hommage à Rome, à ses merveilles savoureuses, capitale des arts et de la foi, des arabesques et des arcs boutants – mais aussi au courage et à la résistance, à l’amitié qui sourd entre des hommes et des femmes qui partagent si peu au-delà de leur amour pour l’Italie et pour la liberté.

Joseph O’Connor – Dans la maison de mon père
[In My Father’s House – traduit par Carine Chichereau]
Rivages
3 janvier 2024 (rentrée littéraire d’hiver 2024)
432 pages
23,90 euros

Ils/elles en parlent aussi : Charlotte Parlotte. Les chroniques de Goliath. La viduité. La livrophage. Pierre Ahnne. Ma voix au chapitre. Les petites lectures de Maud. L’atelier de litote. Mots pour mots

14 réflexions sur “Dans la maison de mon père, Joseph O’Connor

  1. J’adore cet auteur, à l’origine de plusieurs titres ayant marqué ma vie de lectrice (Muse, Redemption Falls, et surtout le génial A l’irlandaise) mais avec Le bal des ombres, j’ai calé au bout d’une trentaine de pages, je ne parvenais pas à entrer dans le récit, à comprendre ce que je lisais… je me suis dit que c’était peut-être une question de moment, et l’ai mis de côté pour lui donner, plus tard, une deuxième chance… bref, celui-là, évidemment, me tente !

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    1. Moi aussi je suis généralement attirée par cette construction qui donne souvent de l’ampleur aux livres – et ici, elle prend vraiment tout son sens. Quant à l’hommage à Rome, il est vibrant, de même que celui rendu à Hugh O’Flaherty qui devient ici personnage de papier. J’espère donc que tu le découvriras, rien que pour te lire à son sujet 😊
      Et merci beaucoup, la valeur que tu accordes à mon avis me touche.

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