La trilogie Bienvenue au club, Jonathan Coe

Les enfants de Longbridge et Le cœur de l’Angleterre de Jonathan Coe, ou un petit bonbon purement British, aux inflexions tantôt joyeuses, tantôt nostalgiques, toujours avec cette note d’humour, comme un arrière-goût qui tapisserait nos pensées pour ne jamais nous laisser dans l’amertume.

Bienvenue au Club emporte le lecteur dans l’Angleterre des années 1970, des syndicats, des usines, des grèves. Dans le bonheur et les problèmes des adolescents de Birmingham que sont alors Benjamin, Loïs, Philip, Doug, Claire et Cicely. L’auteur multiplie les points de vue, ne se contentant pas d’un simple récit linéaire, et inclut à son roman des lettres, des extraits du Bill Board, journal étudiant si cher au cœur de Benjamin. Comme pour les deux livres qui suivent (Le cercle fermé et Le cœur de l’Angleterre), la focalisation est changeante, ce qui donne un panorama large et croustillant du Birmingham d’alors. Classes sociales diverses, hommes et femmes, préoccupations variées – le lecteur passe par tout un panel d’émotions, d’une mélancolie incurable croit-il, à une joie douce. Tout est indolent, comme un peu fané, doux et atténué dans les romans de Jonathan Coe. Il parvient à rendre attachants des personnages que le lecteur retrouve d’un tome à l’autre, comme de vieilles connaissances qu’il serait ravi de revoir après de longues années.

Le cercle fermé, le meilleur de la trilogie, évoque les années Blair, la difficulté d’y voir clair, de comprendre le chemin pris par une gauche que d’aucuns jugent bien trop libérale – c’était sans compter sur Paul, l’affreux cadet, le vilain petit canard, qui se satisfait de cette veine un peu droitiste sur les bords. Confrontations de points de vue, diversité des milieux et des destins. C’est d’ailleurs là qu’excelle l’auteur, à prendre un plan serré pour ensuite dézoomer peu à peu et réaliser un plan large s’attardant sur le paysage anglais, sur toute une époque. Grâce à quelques personnages, il saisit l’atmosphère de toute une décennie. La musique, le cinéma, la littérature, l’ambiance, il parvient à recréer un monde, à redonner du brillant et de la couleur à ce qui est oublié, ce pourquoi les souvenirs qui naissent de sa plume sont d’une teinte un peu passée, comme adoucie par les années.

L’auteur n’avait pas prévu d’écrire Le cœur de l’Angleterre. Il pensait en avoir terminé avec les Trotters et les personnages qui gravitent autour de cette fratrie. Benjamin et Loïs décrochaient les premiers rôles dans le premier opus, Paul, le troisième, était plus central dans le second tome, et toujours ces connaissances de collège et de lycée apparaissaient ou réapparaissaient çà et là, éclosant comme par magie alors que nous ne les attendions plus. Et puis, le Brexit, et puis le tremblement de terre que cela a produit, et puis une interview de Alice Adams qui a donné une nouvelle perspective à Jonathan Coe sur sa propre œuvre. Et le voilà qui se mettait à rédiger ce livre plein d’humour et de réflexions politiques camouflées entre ses pages. Tous sont là, fidèles au poste. Bien eux-mêmes. Leur personnalité n’a pas évolué, ou si peu, et nous les retrouvons avec bonheur. Les années ont passé, le racisme n’est pas allé en s’atténuant, l’austérité grandissante inquiétant plus ou moins tout le monde. Un reproche sans doute : l’auteur, à l’image de Victoria Hislop dans Ceux qu’on aime, attache plus d’importance à son pays qu’à ses protagonistes. S’ils sont bien présents et toujours aussi attachants, les multiples ellipses rendent l’ensemble assez inégal, et donne un tableau peut-être trop large de ce qu’est désormais leur vie. Ces sauts de puce sont donc perturbants – au début en tout cas. Par la suite, à mesure que le roman avance, il semble prendre ses marques et se poser peut-être davantage, retrouvant un peu de cette indolence passée. C’est l’opus le plus pressé semble-t-il, le plus impatient, comme si Joanthan Coe ne disposait pas d’assez de pages pour pouvoir couvrir toutes les années qu’il s’attache à décrire, expliquer, toutes les années par lesquelles il veut que ses personnages passent.

Malgré tout, c’est une trilogie charmante, nous proposant une immersion tranquille et engagée dans un pays voisin. Histoire collective et histoires individuelles se mêlent pour créer une œuvre oscillant entre fresque familiale, amicale et fresque historique. Une jolie réussite.

Ils parlent du dernier opus : Le blog littéraire de Calliope, La novela vue par Sophie, Le spicilège, La jument verte, Le colophon, Les trucs du Moko, Claja lit, Azimut, Aleslire, Ma passion les livres, Nina a lu, Moonpalaace, Narre ton livre, Cunéipage, Un livre dans la poche, Parlez moi de livres, Le regard libre, A propos de livres, Le blog de Krol, Roseleen

Ils parlent des autres : Mumu dans le bocage, Mes pages versicolores, Wordsfactory, Sur le fil, Le temps de la lecture

19 réflexions sur “La trilogie Bienvenue au club, Jonathan Coe

  1. Ping : Le Royaume désuni, Jonathan Coe – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Le jour où le monde a tourné, Judith Perrignon – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  3. Ping : Billy Wilder et moi, Jonathan Coe – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  4. Ping : Samedi, Ian McEwan – Pamolico, critiques romans et cinéma

  5. merci pour le lien ! Et ma foi, je serai incapable de dire lequel des trois j’ai préféré, d’abord parce que ma lecture des deux premiers date vraiment et que pour le troisième, j’étais tellement heureuse de retrouver Benjamin, que ma foi, je serai totalement subjective.
    Les trois forment vraiment une fresque effectivement, mais une fresque à la hauteur de l’humain plus que de la grande histoire.

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire