Comme dans ses deux romans précédemment parus aux éditions de la Table Ronde, Margaret Kennedy raconte ici une petite bourgade anglaise et ses cruautés, à l’aune de la modernité. Avec férocité, l’autrice britannique née en 1896 met en scène des personnages qu’elle prend plaisir à ridiculiser. Elle les rend ainsi très humains et souligne les faiblesses qui vont de pair avec cette condition, ce qui n’est pas sans rappeler le principe-même du Festin dans lequel chaque protagoniste était l’allégorie d’un péché.
Ici, le récit se concentre sur Dickie et Christina, un jeune couple mal assorti et malheureux qui peine à se comprendre et à avancer ensemble. Sans vraiment y parvenir tout à fait, ils tâchent de s’intégrer à la bonne société de Summersdown, provinciale mais se targuant d’avoir un bon goût avant-gardiste – quoique les deux expressions n’aillent pas toujours l’une avec l’autre. L’autrice tourne donc en ridicule ce désir de se conformer, cette incapacité à s’exprimer face à la masse et à la peur de se démarquer, ce qui reviendrait à passer pour arriéré. Si Christina a un regard bien plus lucide que Dickie, comme d’ailleurs d’autres femmes dans Les Oracles, Martha Rawson, l’agente du sculpteur disparu qui concentre tous les débats et les rumeurs, est quant à elle le symbole suprême du regard moqueur de Margaret Kennedy… Les seuls héros qu’elle épargne sont les enfants, négligés et malmenés par des adultes qui s’attirent ainsi les foudres des dieux et plus précisément d’Apollon.
Cette comédie des mœurs est parfois désordonnée, mais certaines de ses scènes témoignent du talent de l’écrivaine pour l’ironie. Le propos des Oracles, originellement publié en 1955, est toujours actuel et son mordant satirique s’attaque à des défauts humains qui ont subsisté à travers les époques. On pourrait ainsi aujourd’hui lire cette œuvre comme une satire sur l’art contemporain et ses mystères parfois impénétrables, autant qu’une critique à peine voilée de la certitude du bon goût.
De la même autrice sur Pamolico : Le Festin ; Divorce à l’anglaise
Merci aux éditions de la Table Ronde pour cette lecture.
Margaret Kennedy – Les oracles
[The Oracles – traduit par Anne-Sylvie Homassel]
La Table Ronde
3 avril 2024
365 pages
24 euros
Ils/elles en parlent aussi : Livr’escapades. Pierre Ahnne. Motspourmots. Shangols
Merci pour la découverte de cette autrice Cécile ! 😊
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Mais je t’en prie ! Si tu veux la lire pour la première fois, je te conseille plutôt Le Festin ceci dit 😉
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J’avais bien aimé Festin. Le côté désordonné de ce roman ne me tente pas.
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Pour moi, il est désordonné aussi dans le sens où les ressentis de lecture ne sont pas linéaires et se contredisent au fil des pages. Je me suis parfois ennuyée mais j’ai aussi beaucoup ri.
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La question du bon/mauvais goût est en effet intemporelle 😀 Je vais d’abord lire Le divorce, qui – à te lire – me semble plus abouti.
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Oui !
C’est Le festin que j’ai préféré, mais oui, Divorce à l’anglaise m’a peut-être légèrement plus séduite que celui-ci 😉
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