La Clairière, Melinda Moustakis

De La Clairière se dégage quelque chose de sauvage, d’animal, la plume de Melinda Moustakis ayant la pureté brute des terres vierges qu’elle décrit, du quotidien et des aspirations simples des pionniers dont elle raconte l’histoire.

Les deux membres du couple qui se forme dans les premières pages, Marie et Lawrence, focalisent tour à tour, leurs pensées et leurs corps mis à nus en quelques mots précis et dépouillés qui ont l’odeur musquée de la forêt, piquante de la neige fraîche. Elle est toute jeune, vient d’arriver du Texas pour voir sa sœur et ne connaît rien de l’Alaska, encore simple territoire en cette année 1956, pas même état. Lui est là depuis peu mais il s’est déjà imprégné de l’esprit pionnier, du parfum des épicéas, des craquements du sol glacé sous ses pas. Elle ne repartira pas, emménagera à ses côtés dans un bus sur la parcelle dont il compte devenir propriétaire en y construisant une maison en bois et en y plantant de la luzerne, comme on le permettait alors aux homesteaders.

Les chapitres passent au rythme des mois, suivant ce mariage timide, le silence renfermé et tenace de Lawrence, la fébrilité assurée de Marie, au milieu des bois, de la nature aussi belle qu’inhospitalière, aussi fascinante que dangereuse. Furtivement, des animaux apparaissent, leur présence décryptée par des autochtones, qui traversent eux aussi La Clairière avec discrétion.

Les balbutiements du couple, les failles qui s’ouvrent peu à peu dans les carapaces de chacun sont évoquées avec pudeur et simplicité par Melinda Moustakis. Sa plume est sobre, terre-à-terre autant que terreuse : l’intimité n’a rien de sacré ici et certaines phrases sont non verbales, bribes de pensées, refrain parfois maladroit qui reflète l’aridité alaskienne. Son style est sans doute plus sensible en anglais, langue souple qui supporte mieux l’épure grammaticale que le français – « Ce n’est pas comme ça qu’il voulait qu’elle voie la parcelle. Des nuages bas les entourant, l’air sentant la pluie, les arbres brillants et mouillés. Par temps clair, l’océan et les montagnes, dit Lawrence. (…) Le lac, la raison de son choix, dit-il, et il ouvre la voie. » (p. 45).

Merci aux éditions Gallmeister qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.

Melinda Moustakis – La Clairière
[Homestead – traduit par Josette Chicheportiche]
Gallmeister
7 mars 2024
320 pages
23,50 euros

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