Shibumi (Trevanian ; Qu Lan)

Pour fêter ses quinze ans d’existence, Gallmeister ressort dans la collection Americana et agrémenté d’illustrations l’un des classiques d’un auteur phare de son catalogue, Trevanian.

Shibumi ou une satire acerbe de l’espionnage américain, un hommage à la culture japonaise et aux monts basques baignés d’une lumière inimitable. Entre Washington, Tokyo et Etchebar, Trevanian joue avec les points de vue et les temporalités, aimant à se glisser dans la peau d’un personnage pour mieux s’en moquer en changeant de focalisation à la ligne qui suit. Extrêmement visuel, Shibumi s’attache à décrire une situation avant d’en expliquer ses fondements et sa raison d’être au moyen d’une analepse. L’auteur s’amuse, détruit tous les mythes, s’attaque avec un humour noir inimitable au capitalisme et à l’américanisation de notre société – déjà bien présente en 1979, date de publication originelle du livre. Son héros, Nicholaï Hel, rentre en scène après un incipit de plusieurs chapitres loin d’être traditionnel. Introduire les personnages secondaires et ensuite les tourner en ridicule n’est pas chose commune, mais rien n’est banal chez Trevanian – les aficionados se rappelleront Incident à Twenty-Mile déjà satirique (ou plutôt toujours puisque ce dernier est en réalité antérieur à la première publication de Shibumi). Les répliques de ses protagonistes sont d’une finesse rare – ou parfois d’une bassesse extrême – mais tombent souvent très juste et ne manquent pas de faire sourire.

Cet étrange et insaisissable homme de lettres qui a vécu dans l’Ouest de la France mais aussi aux États-Unis et qui est supposément mort en 2005 en Angleterre se base sur des faits historiques – les attentats d’athlètes israéliens lors des Jeux Olympiques de Munich de 1972 par l’organisation palestinienne Septembre Noir – pour ensuite déconstruire la réalité et prendre le contrepied des alliances et des scénarii d’espionnage classiques. Il se joue des règles, n’hésite pas à dédier cent pages à une expédition spéléologique, et fait montre d’une dérision à toute épreuve. Le texte est transposé en français par Anne Damour – toute aussi caméléone que l’auteur qu’elle traduit puisqu’elle passe du lyrisme d’André Aciman (Trouve-moi, Les variations sentimentales) aux traits d’esprit de Trevanian. Il a également été révisé par Mathilde Gallmeister pour cette nouvelle édition qui s’accompagne de dessins de Qu Lan, en noir et blanc. Ces derniers apportent du piquant et parfois de la poésie à ces dialogues d’anthologie tout en donnant une plus-value artistique certaine au livre en lui-même.

Merci aux éditions Gallmeister qui, en contribuant à enrichir aVoir aLire, ont également contribué à enrichir Pamolico.

Ils en parlent aussi : Blacknovel1, Drums n books, Crowded Vacuum, La tanière, Lire et délires, Franck’s books, Read look hear, Aleslire, Encore du noir, Les élucubrations de Fleur, Charybde 27, Les livres de K79, Libellus, Mots pour mots, Un aller retour dans le noir, Les livres que je lis, Phillip McCollum, Au fil de l’histoire

11 réflexions sur “Shibumi (Trevanian ; Qu Lan)

  1. Ping : L’histoire atypique d’un homme passionnant, malheureusement saupoudrée de longueurs. – Au fil de l'histoire

  2. Ping : Noël 2020 – livres en pagaille – Pamolico, critiques romans, cinéma, séries

  3. Et oui, quelques longueurs, effectivement, j’avoue avoir passé quelques pages de spéléologie pure … Mais ce qui l’emporte est quand même le plaisir du jeu sur les règles romanesques et les surprises et revirements … . Je suis devenue aficionada de cet auteur depuis Incident à Twenty Mile.

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    1. Ah je vois que nous avons fait pareil 😉
      Oui, et puis cette capacité à caricaturer avec finesse qui est assez incroyable… quelle satire, satire en permanente mutation !
      J’avais été déçue par Incident à Twenty Mile, peut être parce que je n’ai pas cette culture des westerns de par mon âge…
      Merci de ton passage !

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