Incident à Twenty Mile, Trevanian

Incident à Twenty Mile est un pur western, le dernier du genre, selon Trevanian, pseudonyme de Rodney Whitaker, un auteur pour le moins secret, sorte de caméléon qui changeait d’apparence et d’identité en fonction du livre qu’il signait. Incident à Twenty Mile est l’un de ses derniers livres, paru pour la première fois en 1998 alors qu’il mourait en 2005.

Entre euphémisme (jusqu’au titre) et boucherie, ce livre a un style bien à lui. Il a parfois des accents de Bildungsroman, à la Huckeberry Finn (en un peu plus gore). Il est à la fois différent et semblable aux films de John Ford, les personnages étant les archétypes des protagonistes types du western classique. La jeune vierge pure et courageuse, le hors-la-loi dangereux et sadique, les étrangers, tenanciers de la taverne, les pionniers qui ont pris de l’âge, le nouvel arrivé qui sauvera tout le monde avant de disparaître, à l’image du Shane de George Stevens… Tous se retrouvent dans une sorte de huis-clos angoissant, à Twenty-Mile, village à moitié abandonné, presque fantôme malgré un filon d’argent non loin de là. Quelques âmes un peu amochées par la vie y survivent grâce aux mineurs qui continuent à venir s’y détendre à la fin de la semaine, profiter du bourbon, des haricots et des filles de joie – pas si joyeuses – qui ne sont plus là que pour eux. Les habitants cohabitent, font avec les travers des uns et des autres, se côtoient tout en s’ignorant un peu. Jusqu’à ce que des étrangers viennent bousculer cet ordre des choses millénaires… Certaines scènes font froid dans le dos, d’autres nous arrachent un petit sourire. La pression monte même si le lecteur ne se sent pas forcément très concerné par ce qui arrive aux protagonistes – après un certain temps, il pensera sans doute à un épisode de Game of Thrones qui s’est trompé d’époque et essaierait d’être d’un humour un peu grinçant… Plus de morts que de vivants, alors pourquoi s’attacher.

Cruauté, barbarie, tuerie, fusillade, plans abracadabrantesques, mensonges, morgue et répliques (parfois) savoureuses…

Absurdité et réalisme mêlés se mettent au service d’un livre à mi-chemin entre la satire et l’hommage à un genre aujourd’hui presque disparu – même si certains cinéastes semblent avoir envie de le remettre au goût du jour. Trevanian parle de la fin d’une époque, d’un siècle, des derniers soubresauts de la ruée vers l’or (et l’argent) qui se convertira bientôt en capitalisme enragé.

Elle en parle aussi : Aleslire

Trevanian – Incident à Twenty-Mile
[Incident at Twenty-Mile – traduit par Jacques Mailhos]
Gallmeister
368 pages
10,50 euros

7 réflexions sur “Incident à Twenty Mile, Trevanian

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