Les phrases sont courtes, les dialogues, nombreux, les exclamations se multiplient sur la page – impatientes.
Djaïli Amadou Amal est camerounaise, comme Leonora Miano (Rouge impératrice), et peule. Le mariage forcé, elle sait ce que c’est puisqu’elle l’a vécu. Alors elle témoigne, elle raconte, tantôt au présent tantôt au passé, les impatiences et les douleurs calmées d’un Munyal désinvolte mais exclamatif, lassé mais exclamatif, excédé mais exclamatif. Patience. Ses trois héroïnes sont intimement liées par un homme ou un autre – demi-sœurs partageant le même père ou co-épouses. Les propos de Camille Laurens qui souligne qu’une « fille » ne se définit que par son père et son époux prennent tout leur sens ici, dans ce bref roman dépaysant. En Afrique, dans ce grand pays coincé entre l’Atlantique et le Nigeria, les femmes n’ont pas voix au chapitre. Leur vie, c’est celle de leur compagnon. La polygamie est monnaie courante. Les violences conjugales sont considérées comme normales. Le viol est fréquent. Mais, à défaut de remèdes de marabouts, la patience guérirait tout…
Même si le style sobre des Impatientes déroute sans forcément toucher, un peu à la manière de La Chienne de Pilar Quintana, le lecteur compatit nécessairement, tente d’adoucir par ses pensées la souffrance de ces filles mariées trop tôt, l’amertume douloureuse de cette femme forcée de partager son amant, son amour depuis vingt ans. Ramla, Hindou et Safira. Toutes trois ont le cœur gros, à cause d’un homme. Toutes trois doivent subir, ruser, se soumettre et apprendre la vie – c’est-à-dire la patience…
« Il est difficile, le chemin de vie des femmes, ma fille. Ils sont brefs, les moments d’insouciance. Nous n’avons pas de jeunesse. Nous ne connaissons que peu de joies. Nous ne trouvons le bonheur que là où nous le cultivons. À toi de trouver une solution pour rendre ta vie supportable. Mieux encore, pour rendre ta vie acceptable. C’est ce que j’ai fait, moi, durant toutes ces années. J’ai piétiné mes rêves pour mieux embrasser mes devoirs. » (p121)
Ce livre, publié aux éditions Emmanuelle Collas, fait partie de la sélection Goncourt 2020 et il a remporté le prix Orange du livre en Afrique (2019) ainsi que le Goncourt des Lycéens (2020).
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Ce roman de la sélection Goncourt m’avait échappé, mais il a l’air indispensable ! Merci pour cette chronique.
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Merci à toi de ce passage. Il est nécessaire dans le fond même si la forme n’est peut être pas celle qui convenait le mieux.
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Un roman et une sélection Goncourt lourds de sens 👌🏽
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Tout à fait !
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je l’ai vu passer bien-sûr, mais le sujet me fait froid dans le dos… c’est ce qui me freine aussi pour lire « La chienne »…
si on n’a pas trop de mal à entrer dans le récit je le note quand même
Au passage, j’ai plutôt bien aimé « Rouge impératrice »
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Le sujet est dur, et en réalité le lecteur est tellement sidéré qu’il reste un peu en dehors… quant à La chienne, je n’ai pas été convaincue malgré l’histoire bouleversante de l’auteure.
Moi non… j’ai abandonné, ce qui ne m’arrive quasiment jamais !
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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Promesse d’un récit bien douloureux semble-t-il.
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Douloureux oui, mais le lecteur a du mal à réellement pénétrer le récit malgré (ou peut être à cause de) sa sidération…
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