Dernière oasis, Charif Majdalani

Dernière oasis avant le mal

Le narrateur de ce roman, marchand d’art libanais irrésistiblement attiré par le Beau, quitte à s’approcher de l’interdit, se rend à Cherfanieh dans le Nord de l’Irak pour estimer des pièces antiques. Ghadban, le propriétaire de ce trésor archéologique ne cesse d’aller et venir, chef militaire estimé et très occupé par la gestion de ses troupes – non-corrompues, contrairement à une grande partie de l’armée irakienne. Le narrateur oscille entre agacement à l’idée de devoir patienter sans aucune certitude quant à l’avenir, et résignation, cet état d’esprit étant encouragé par la quiétude de la palmeraie, dernière oasis du monde qui deviendra la dernière oasis épargnée par l’état islamique. Il échafaude diverses théories quant à la provenance de ces statues, doutant fortement de l’histoire invoquée par ses intermédiaires, mais il se laisse aller, cède, terriblement attiré par cette affaire, aussi louche soit-elle, et accepte de rencontrer un dernier homme pour convenir d’un prix et sceller l’accord. Malgré tout, l’avancée soudaine de Daech sur ces terres d’Eden dévorées par le désert vient bouleverser la tranquille langueur des journées assourdies par la chaleur du soleil.

Charif Majdalani, auteur et géopolitologue ambitieux

Charif Majdalani signe un roman ambitieux, entre traité historiographique et enquête géopolitique, mais n’oubliant pas pour autant de faire éclore une véritable atmosphère. Il décrit ainsi les montagnes et le ciel, le verger et l’atonie ambiante, faisant souffler la brise nocturne, se lever la lune, briller les étoiles et transpirer notre peau. Bercé par le calme et le chant des oiseaux, son héros a tout loisir de réfléchir. Son esprit fertile surchauffe tandis qu’il tente de comprendre tous les événements auxquels il est confronté et qui viennent contrarier ses plans, partageant avec le lecteur ses hypothèses parfois complexes. Le rythme du récit, très indolent pendant les trois premiers quarts, s’accélère brusquement tandis que le protagoniste prend de la distance et enquête par à-coups, laissant lentement progresser ses pistes de réflexion.

Dernière oasis est un livre compliqué d’accès mais d’une grande richesse une fois sa carapace fendue. Les réflexions concernant la progression de l’Humanité, dépendante du hasard selon le narrateur et, supposons-nous, l’auteur, ainsi que ses spéculations quant aux raisons des bouleversements passés et futurs emportent ailleurs, encore plus loin que ses descriptions magistrales et fabuleuses de cette dernière oasis bordée par le Tigre et le désert, entre territoire Kurde et islamique.

Merci aux éditions Actes Sud qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.

Charif Majdalani – Dernière oasis
Actes Sud
18 août 2021 (rentrée littéraire 2021)
272 pages
20 euros

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