Des diables et des saints, Jean-Baptiste Andrea

Des diables et des saints en Enfer

Joseph est orphelin. Il croit pendant longtemps que c’est une maladie contagieuse, une malchance volatile et facilement transmissible. Quelques semaines avant que la Lune ne devienne un territoire conquis par l’homme, ses parents et son « insupportable sœur » meurent, explosent en plein vol, « de feu et d’or », en même temps que l’avion qui les ramenait en France. Sur le tarmac, dans le vent, Joseph demeure seul, aux confins du monde. Pourtant, il n’y est pas encore tout à fait. On l’envoie à l’orphelinat des Confins, près de la frontière espagnole, où les enfants sont malmenés, frigorifiés, évangélisés à coup de Bible. Joseph rêve de son piano et de Michael Collins, de son ineffable solitude pendant les quarante-sept minutes que dure l’orbite de notre satellite, de s’échapper de cet endroit lugubre, d’avoir des amis. Ce dernier vœu, au moins, sera exaucé. Entouré de diables et de saints, l’adolescent vit ses dernières années d’enfance, projeté violemment dans la violence de l’âge adulte trop vite, trop tôt.

La plume d’Andrea entre poésie et prosaïsme

Ce roman de Jean-Baptiste Andrea, couronné par le prix RTL Lire 2021, est un récit d’apprentissage mais aussi et surtout le livre d’une amitié indéfectible. Fouine, Edison, Souzix, Joe et Momo, à la vie, à la mort, dans le froid et le remord, jusqu’à l’essor – mais toujours, à jamais, « chacun pour soi ». Le huis-clos, le Bildungsroman et le quotidien entre garçons font penser à ces school stories, classiques Outre Manche et Outre Atlantique, à Nickel Boys et à ses héros si touchants dans leur malheur. Pourtant, ici, ce n’est pas que cela. Des diables et des saints est empli d’une poésie toute tremblante, frissonnante d’émotion. Jean-Baptiste Andrea bâtit son histoire sur le fantasme d’un ailleurs, l’éther des nuages, l’azur du ciel, les montagnes d’Oran, sur la musique, les touches noires et blanches du clavier que Joseph désire tant effleurer, la Rose qu’il aimerait cueillir, effeuiller de sa robe Dior pour humer le parfum de sa peau. Certaines phrases sont de véritables envolées, des métaphores aussi délicates que la toile d’une araignée, perlée de rosée. Quelques-unes s’adressent à nous, fantaisie désuète et inutile, facsimilé d’émotion. D’autres, enfin, ont le prosaïsme des auteurs qui peuvent se le permettre, comme Colson Whitehead justement, sûrs de leur style et de leur récit, de la solidité de leurs intentions et de leurs héros – pudeur et simplicité pour souligner l’abject auréolé d’or.

Jean-Baptiste Andrea – Des diables et des saints
L’Iconoclaste
Janvier 2021
368 pages
19 euros

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