Une narration-colibri
La narration de ce roman est malicieuse, facétieuse, oscillant entre lettres, e-mails, dialogues touchants qui parfois confinent à l’absurde, et récit d’un réalisme tendre et souvent sarcastique où Sandro Veronesi ne peut s’empêcher de glisser un petit mot, comme grand maître bienveillant, architecte de cette vie qu’il déploie ou plutôt fragmente pour mieux révéler chaque facette de son protagoniste si attachant. Ici et là, un énoncé court vient rythmer la mélodie de ses phrases longues et pourtant toujours remarquablement claires, traduites d’une main de maître par Dominique Vittoz. Et puis elles s’essoufflent, soudainement, pour vingt pages, épousant l’état de Marco Carrera, oculiste, père, grand-père, amant, ex-époux, frère, fils, colibri et héros de Sandro Veronesi. L’oiseau reste fixe, ou presque, va à reculons, bat des ailes tant et si vite qu’elles en deviennent floues. Il est minuscule, lilliputien, un oiseau-mouche. Pour toutes ces raisons, Marco est assimilé à ce petit animal vert, discret mais singulier. Comme cet oiseau capable d’immobilité mais aussi d’amples déplacements célères, la chronologie bondit, virevolte, fragments d’une vie que tout relie, qui s’égayent.
Sandro Veronesi, dieu littéraire bienveillant
L’auteur écrit une chronique familiale italienne, fait le récit d’un mariage sombre et d’une passion platonique, examine l’influence parentale sur l’existence filiale, évoque l’amour qui lie un père à sa fille, un homme à la première femme qu’il embrasse, un frère à celui qui ne lui parle plus, un grand-père à sa petite-fille quand il ne reste plus qu’elle pour sauver le monde. De 1970 à 2000, les allers-retours se multiplient, fugaces et profondes plongées dans le passé puis dans le présent de Marco. Et les années 2000 arrivent, passent, les analepses s’estompent – la narration file alors jusqu’en 2030, brièvement, partie sans doute la moins admirable de ce grand livre.
Jamais monotone, toujours d’une joyeuse mélancolie, Le Colibri parvient étonnamment à ne pas perdre le lecteur, se contentant de lui offrir une vie éclatée et ainsi sublimée, parcours d’un être décidé à rester auprès de l’hibiscus qu’il a choisi, mais malmené par le destin et violenté par le vent.
Sandro Veronesi – Le Colibri
[Il colibri – traduit de l’italien par Dominique Vittoz]
Grasset
13 janvier 2021
384 pages
22 euros
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Très beau texte. Je suis sous le charme de cet effet Colibri mis en mots par tes soins : ses élans, ses sur-places, ses projections vers l’avenir. Un ressenti magnifiquement partagé.
Belle journée.
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Merci beaucoup, je suis touchée. C’est un beau roman, charmant, qui fait cet effet-là, qui laisse une douceur un peu amère en nous.
Belle journée à toi aussi.
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je me le note illico! après avoir terminer « La farce » cela me plairait de lire une autre « histoire familiale » 🙂
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Je me suis dit pareil en lisant ta critique de La farce 🙂
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un regret ++ je l’ai vu sur NetGalley mais la couverture ne m’a pas inspirée comme quoi…
Celle de « La farce » est aussi surprenante mais je l’ai choisi…
je vais attendre la sortie en poche car pas sûre de le trouver à la BM 🙂
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Ah c’est vrai que des fois c’est trompeur…
Peut être que tu le trouveras quand même, qui sait 😉
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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J’ai adoré !!
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J’ai vu ça ! J’ai beaucoup aimé également 🙂
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Il est rare que je ne sois pas d’accord avec un de tes billets mais mon dieu que ce livre m’a ennuyée perdue agacée … je n’ai même pas pu écrire une critique …:(
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Ah… il fallait bien qu’un désaccord arrive ! Je l’ai trouvé tendre et nostalgique, même si la toute dernière partie m’a un peu lassée. Je comprends que la chronologie éclatée puisse (vraiment) déranger, moi elle m’a ravie 🙂
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