Baume du tigre, Lucie Quéméner

Dans Baume du Tigre, Lucie Quéméner retrace l’histoire de quatre sœurs, Edda, Wilma, Isa et Etta, qui vivent avec leur mère, leur oncle, leur tante et leurs grands-parents maternels. Très proches les unes des autres et avec une différence d’âge minime, les filles, avec l’adolescence, trouvent leur dictatorial grand-père de plus en plus difficile à supporter. Elles ne peuvent s’habiller comme elles l’entendent, regarder les émissions qu’elles souhaitent voir, choisir les études qu’elles voudraient suivre. Les ancêtres et les parents sont, dans la culture chinoise, en haut de la hiérarchie familiale. Leurs enfants leur doivent respect et amour. Ils se sont sacrifiés pour eux donc ce n’est qu’un juste retour des choses, le sens dans lequel va la vie. Les autres femmes de la maison ont l’habitude, elles se sont faites à la loi patriarcale et tentent tant bien que mal de tempérer, malgré tout conscientes de l’épreuve et du dilemme vécus par les adolescentes, étant elles-mêmes passées par là. Edda veut intégrer la Haute École de Médecine et cette décision précipite l’éclatement de la famille. Ses sœurs et elle partent donc, pleines d’espoir d’émancipation. Mais qui a dit que liberté rimait avec oubli ? Leurs origines, leur héritage, tout cela les a construites, les constitue, ce n’est pas leur fuite qui effacera cela de leurs gènes, voilà ce que clame Lucie Quéméner dans ce roman graphique au titre équivoque.

Lucie Quéméner / Delcourt

Entremêlant le vécu de trois femmes fortes de cette famille asiatique, Lucie Quéméner s’inspire de sa propre histoire pour réaliser Baume du Tigre, aujourd’hui sélectionné par le Prix France Culture BD des étudiants – et lauréat de ce prix. Ce roman graphique monochrome est inspiré du vécu de l’auteure et c’est une jolie commémoration de la culture chinoise, de sa médecine ancestrale et de son Histoire, mais c’est aussi une façon percutante de pointer du doigt l’autorité masculine et le poids représenté par les anciens. Ses crayonnés, noirs et blancs, illustrent son propos de manière épurée et sobre, mais non dénuée d’émotions. Les dernières dizaines de pages accélèrent peut-être un peu trop la chronologie mais le dénouement est un bel hommage.

Les éditions Delcourt en parlent ici.

Ils en parlent aussi : Le suricate, Comixtrip, Un plaid, un thé, des livres, Maze, Entre 2 tasses de thé, Aux bouquins garnis