Nuits appalaches, Chris Offutt

La plume de Chris Offutt est acérée. Pas un mot de trop, toujours tomber juste, sans en rajouter. Les phrases sont concises, effilées, mais elles n’en sont pas moins poétiques. Les images rapprochant l’homme et la nature fleurissent ici et là, illuminent un roman noir, semblable à la « sombre clarté » de la lune. La lumière et le ciel ont une place prédominante dans ces collines, presque aussi importante que celle de la famille, du clan. Après vingt ans de silence, Chris Offutt renoue avec les mots pour dire la profondeur du calme des nuits appalaches.

Tucker rentre de la Guerre de Corée transformé, aguerri. Toujours aussi silencieux, il est plus fort, a désormais un instinct infaillible. Alors qu’il retourne chez lui en marchant dans les bois du Kentucky, il croise la route de Rhonda et de son oncle qui la malmène. Cette rencontre changera leur vie à tous deux. Dix ans plus tard, leurs enfants sont nés, plus ou moins normaux, plus ou moins heureux. Dans ces vallées, les gens sont taiseux, renfermés sur leur famille. Tucker et Rhonda ne font pas exception à la règle. Ils prennent soin de leur foyer – ou au moins ils essaient du mieux qu’ils peuvent. Hattie, l’assistance sociale, tente de leur venir en aide, leur apporte un peu d’un réconfort jamais totalement dénué d’une certaine menace aux yeux du couple – celle de faire éclater la famille. Pourtant, à l’image de Gillian, l’enseignante de Ces montagnes à jamais, elle s’efforce de respecter ceux qu’elle côtoie, de les comprendre et de les respecter – ce qui n’est pas le cas de tout ceux venant des villes. Le risque d’échouer en prison plane au-dessus des hommes, comme celui de finir alcoolique, ou de mourir d’une balle dans la nuque. Nuits Appalaches est le roman d’une époque et d’une Amérique, celle des campagnes et des reliefs reculés où les membres d’une maisonnée n’ont, pour seule richesse, que ceux avec qui ils vivent, qu’ils aiment plus que la vie –  savoir que l’on possède une famille, des personnes qui sont siennes. Gallmeister ne dévie pas de sa ligne éditoriale en publiant ce livre sombre aux réguliers changements de focalisations, comme autant de collines qui naissent et vallonnent le paysage littéraire de ce roman, à l’épilogue semblable à celui de Incident à Twenty Mile, à mi-chemin entre ironie amère et espoir d’un futur meilleur.

Ce roman, primé par le Prix Mystère de la critique 2020 et le Prix du roman noir étranger du Festival international du film policier de Beaune paraît dans la collection Totem (poche) le 20 août prochain.

Merci aux éditions Gallmeister qui, en contribuant à enrichir aVoir aLire, ont également contribué à enrichir Pamolico.

Ils en parlent aussi : Des livres et Sharon, Actu du noir, L’émeraude littéraire, Worldcinecat, Les plumes qui papotent, Mon coussin de lecture, Le cri du lézard, Le blog de Krol, Lottes of books, Bib bazar, Tu l’as lu ?, Mes échappées livresques. Bouquineries. Lettres exprès

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