La soustraction des possibles, Joseph Incardona

Avant de dire quoi que ce soit sur le contenu de La soustraction des possibles, attardons-nous un instant sur l’objet en lui-même. Une couverture travaillée, atypique, intrigante (et dorée !), des pages épaisses et moelleuses sous les doigts. La lecture commençait bien.

Joseph Incardona joue avec les codes, s’amuse des règles et les transgresse, mais jamais trop. Le narrateur, qui est en réalité l’auteur lui-même, s’adresse parfois aux personnages, commente leurs actions, leur futur et leur destin, comme un ami, un confident qui aurait de la peine pour ce qui leur arrive, pour leurs échecs, qui aurait un regard critique sur tout car au courant de leur fin – un auteur lucide et honnête en quelque sorte puisqu’il ne ment pas au lecteur, ni à ses créatures.

Joseph Incardona donne tout son sens aux parenthèses et à la page en elle-même : il exploite ces outils, si peu utilisés habituellement, il va à la ligne, il s’approprie l’espace et donne sens à ce livre en tant que tel. Ce n’est pas un récit ou un un conte simplement recopié, non c’est un texte qui est texte, qui est né pour être couché sur une page, pour prendre vie et s’épanouir sur papier. Le narrateur a bien sûr accès aux pensées des personnages qu’il connaît par cœur – leurs faiblesses, leurs défauts et leurs forces, et leurs doutes nous sont livrés parfois avec cette géniale distance critique et cynique, parfois sans filtre, avec tous les sentiments qui vont avec.

Le lecteur est donc happé par la machine, par les engrenages, par le système, comme le sont les héros – qui n’en sont pas vraiment. Appât du gain, envie de réussir, de palper de l’argent, des billets¸ désir et passion, besoin de posséder corps et cash, voilà ce qui les motive ou les motivera à un moment ou à un autre. Nous sommes ballottés par les péripéties qui ne nous laissent que peu de répit sans qu’il y ait pour autant des retournements de situation dans chaque chapitre. Tout est soigneusement dosé, millimétré.

Entre histoire d’amour tragique et satire cruelle du monde de la finance, La soustraction des possibles offre une parenthèse éblouissante. Des comptes, des opérations banquières (que le narrateur ne semble pas comprendre beaucoup plus que nous au vu de ses commentaires dubitatifs), des liens qui se font et se défont, des banquiers véreux, des millionnaires et des mafieux, des femmes et des hommes, humains ou animaux, condamnés à osciller perpétuellement entre leur part civilisée et leur part bestiale. La moindre action de l’un aura des répercussions sur la vie de l’autre, chacun étant semblable à un rouage qui entraînera ou bloquera les suivants. Adultère, coup de foudre, transferts d’argent, dîners mondains se succèdent et se mêlent dans un ballet où seuls les plus avisés et les plus fourbes pourront avoir la vie sauve.

Tout coule de source (même pour la littéraire que je suis) dans ce roman choral, le suspense, l’amour et la chute du bloc soviétique qui menace transformant les paysages suisses en une contrée mystérieuse et enivrante où il est facile de s’égarer…

Bluffant.

Merci aux Éditions Finitude qui, en contribuant à enrichir le site d’aVoir-aLire, contribuent également à enrichir ce blog.

Merci également à Une libraire blogueuse, grâce à qui j’ai découvert ce titre.

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15 réflexions sur “La soustraction des possibles, Joseph Incardona

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  3. Maximelefoudulivre

    Bonjour Ceciloule,

    Coup de coeur pour moi également. J’adore l’esprit satire, c’est bien construit, drôle et le style d’écriture est génial je trouve.

    Une très belle découverte 🙂

    J’attends son prochain romain.

    Bonne soirée

    Chaleureusement,

    J’aime

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