Foisonnant mais passionnant (Les jungles rouges, Jean-Noël Orengo)

Jean-Noël Orengo, romancier toujours inspiré par le « Karmastan » évoqué par l’un de ses héros (l’Asie du Sud-Est, les pays du karma) puise encore une fois son inspiration dans l’Indochine. Il dresse ici une véritable fresque historique, brassant des décennies d’Histoire, commençant au début des années 1920 pour atterrir en 2016, s’arrêtant en 1950 au passage, mais aussi en 1975, en 1980, et en 1990. Il passe du Vietnam à la Thaïlande, effectue un petit détour par le Cambodge pour revenir à Paris, évoque des personnages réels et d’autres fictifs, tandis que pour certains, le lecteur reste hésitant quant à savoir s’ils ont existé. Peut-être que quelques lignes à la fin du récit auraient pu éclairer davantage cette question… Autant dire que l’égarement est un leitmotiv de ce roman dans lequel il fait bon errer entre deux phrases, entre deux pays, dans les méandres de l’Histoire, entre le territoire Viêt-Cong et celui des Khmers Rouges, au cœur des jungles rouges. Rouges du sang, rouges du communisme et de la guerre, de la violence et de l’aspiration à la liberté.

Malgré cette tendance à la foisonnance et au dédale, Les jungles rouges est un roman passionnant, riche, documenté à la limite de l’obsessionnel. Tous les protagonistes sont liés les uns aux autres – bien que parfois ce lien soit un peu trop ténu pour permettre de comprendre leur présence dans ces pages. S’y croisent André et Clara Malraux, Marguerite Duras cinquante ans plus tard, ces deux éminents romanciers étant relié à l’Asie par le cœur et l’esprit. Passent également un Pol Pot encore jeune et parisien mais baignant déjà dans le communisme jusqu’au cou, Catherine Leroy, une reporter-photographe française trop peu connue du grand public aujourd’hui (à qui on doit la photographie apparaissant sur l’illustration de cette critique) et de nombreux autres.

Ce roman choral est une véritable ode à l’Asie, une ode ensorcelante, tellement riche et foisonnante que le lecteur s’y perd, mais presque avec plaisir – tantôt agacé de ne pas avoir suffisamment de connaissances pour profiter de ce récit si travaillé, tantôt émerveillé par cette peinture si vaste de l’Indochine. Les phrases longues, le rythme que l’auteur donne à son livre sont à l’image de la liberté qui est recherchée par tous ses héros. Tous sont semblables et différents à la fois, représentés par ce poème « Comme vous » de Khmer Daeum (inventé ?) auquel Jean-Noël Orengo fait sans cesse référence.

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Merci aux Éditions Grasset et à NetGalley pour cette lecture.

Avec cette critique, je participe au Challenge 1% de la Rentrée Littéraire proposé par Délivrer des livres.

Et j’ajouterais que ce roman fait partie de la sélection du Renaudot et du Médicis 2019 !

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2 réflexions sur “Foisonnant mais passionnant (Les jungles rouges, Jean-Noël Orengo)

  1. Ping : Le couloir rouge, Brice Matthieussent – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Avant la longue flamme rouge, Guillaume Sire – Pamolico : critiques, cinéma et littérature

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