Bonjour tristesse, Françoise Sagan

Cécile, comme la fille de Paul Éluard, l’auteur des vers qui ont donné son titre à ce roman de 1954 Bonjour tristesse. Cet été-là, au bord de la Méditerranée, Cécile a dix-sept ans. Indolente, égoïste, aimant les plaisirs simples, elle s’abandonne aux vagues, au soleil, à l’alcool et aux baisers de l’étudiant qui tombe sous son charme. Elle a raté son baccalauréat et devrait relire Bergson pour le rattrapage de septembre. C’est en tout cas ce que l’invite à faire Anne, une ancienne amie de sa mère, qui se joint au trio initial – Cécile, son père et Elsa, sa rousse maîtresse. À la place, la jeune fille paresse, prétend, complote tandis qu’Elsa brûle au soleil et qu’Anne rend sa propre présence évidente et inévitable.

Françoise Sagan bâtit son premier roman sur une opposition binaire : le corps et l’esprit. Cécile et Raymond sortent, mondains décadents, dansent et rient sans cesse depuis que l’adolescente narratrice est sortie de pension, deux ans auparavant. Ils font des plaisirs charnels le leitmotiv de leur existence parce que, comme le disait Jean Cocteau, « rien n’est plus sérieux que le plaisir ». Elsa se joint avec joie et sans beaucoup de retenue à ces fantaisies simples, mais Anne, elle, s’insinue peu à peu dans leur quotidien et le recadre, droite et fière, délicate, froide et intelligente. Elle pousse la narratrice à révéler sa mesquinerie, à manœuvrer et à laisser les pensées reprendre le contrôle pour mieux permettre les jouissances à venir.

Roman de l’enfance qui se change en âge adulte, de la maturité qui arrive sans prévenir, désenchantement honteux et violent, Bonjour tristesse est ainsi un récit d’apprentissage qui suit une adolescente peu sympathique et possessive ne pensant qu’à son bonheur, aussi éphémère soit-il, apprenant à réfléchir, philosophie existentielle finalement bien brutale. C’est un livre qui scandalisa parce que se glissant dans les fantasmes intimes et dans les manigances d’une femme en devenir, censée rester lisse et douce, maîtresse d’elle-même, objet d’amour obéissant et absent à son corps et à son esprit. À la fois désuète et moderne, la plume a quelque chose de heurté, aussi saccadée et fascinante que le va-et-vient des vagues dans lesquelles Cécile s’ébat.

Françoise Sagan – Bonjour tristesse
Pocket
2009 (première édition : 1954)
153 pages
5,10 euros

Une première et jolie participation aux « Classiques c’est fantastique » de Fanny et de Moka puisque juillet voulait dire respirer l’air marin.

Ils/elles en parlent aussi : Madame lit. Le cri du lézard. Birds & bicycles. Tu vas t’abimer les yeux. The teapot library. Les chroniques de Coco. Julie chronique

35 réflexions sur “Bonjour tristesse, Françoise Sagan

    1. J’essaie de combler mes nombreuses lacunes et je profite de l’été pour découvrir quelques classiques… J’ai apprécié sa manière d’appréhender la psychologie adolescente en tout cas, de la caricaturer aussi, même si ce roman n’est pas exempt de défauts.
      Oui, c’est une citation qui m’est chère !

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  1. je l’ai lu et beaucoup aimé il y a très longtemps,je l’avais ressorti il y a quelques temps mais j’hésitais encore car je redoutais une possible déception mais ta chronique me conforte dans l’envie de le relire 🙂
    j’ai eu une période Sagan il y a longtemps 🙂

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    1. Je pense, comme je le disais à Mumu, que c’est le genre de roman qui se relit avec plaisir et qui permet une seconde lecture complètement différente, éclairée par la connaissance qu’on a de la fin. Je ne l’ai pas trouvé exempt de défauts mais je suis contente de l’avoir découvert et, avec lui, l’autrice 🙂
      Je connais très mal sa bibliographie mais il doit y avoir de belles choses, c’est sûr 😉

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    1. Ça ne m’étonne pas qu’on l’apprécie davantage avec une seconde lecture, en connaissant le déroulé des événements. Ça permet sans doute d’aborder les choses différemment. D’ailleurs, l’adaptation en roman graphique a choisi d’ouvrir le récit sur une prolepse et donc d’anticiper sur le drame final… étonnant mais peut-être pas inintéressant 😉

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