Marianne et Connell. Connell et Marianne. Ils se tournent autour, s’évitent, s’embrassent, s’embrasent et se quittent, s’ignorent puis reviennent l’un vers l’autre. Ce ballet est décrit alternativement à travers le regard de Marianne puis à travers le regard de Connell. Ils sont à la fois normaux et anormaux, Normal People et Abnormal People éprouvant des sentiments contradictoires, profondément attachés l’un à l’autre mais ne pouvant s’empêcher de tendre vers l’ailleurs et de se blesser réciproquement. Peut-être est-ce dû à leur différence de classe sociale, au lycée en tout cas. Cette collision entre deux mondes évoque Le rouge n’est plus une couleur, premier roman de la Britannique Rosie Price, livre engagé et intelligent sur les vicissitudes de la jeunesse d’aujourd’hui, jamais loin des abus en tout genre… Ici pourtant, les deux héros sont davantage que de simples amis malgré ce qu’ils veulent laisser à penser. Après les examens, tous deux vont étudier à Trinity College, à Dublin, loin de leur campagne irlandaise où tout le monde se connaît, véritable microcosme étouffant de jugements et de rumeurs. Les rôles s’inversent, le populaire Connell se renferme, s’isole davantage alors que l’asociale Marianne devient la coqueluche de ces messieurs riches, fils de banquiers et de ministres.
Sally Rooney parvient habilement à dépeindre l’intimité de ces deux êtres, à dire leurs sentiments, leurs ressentis et leurs ressentiments. Pourtant, une phrase sonne juste tandis que la suivante détruit cette illusion, et ce pendant tout le roman qui se révèle ainsi d’une déstabilisante inconstance. Les deux héros oscillent entre personnages crédibles et protagonistes au comportement obscur, cette impression étant sans doute encore renforcée par les ellipses qui se succèdent. Chaque chapitre correspond à un bond temporel qui laisse le lecteur à la traîne, d’autant que les paragraphes eux-mêmes jouent avec la temporalité et cachent des retours en arrière qui cherchent à lier l’ensemble. Mais, Normal People reste très décousu et assez fade, peut-être à cause de la plume trop factuelle de Sally Rooney, ou de Connell et de Marianne qui ne parviennent pas à nous toucher et nous restent assez étrangers dans leur incompréhension mutuelle.
Normal People – Sally Rooney
[Normal People – traduit par Stéphane Roques]
L’Olivier
4 mars 2021
320 pages
22 euros
Ils/elles en parlent aussi : Culturellement vôtre. La pensée littéraire. L&T. Mon petit carnet de curiosités. La vie de Kat. Les mots des autres. Le fil à la page. By Emilivre. La lecture mutualisée. La biblioblog de Maêlle. Les lectures de charmant petit monstre. D’autres vies que la mienne. Cup of chill. En veille. Les liseuses. Analire. Lettres d’Irlande et d’ailleurs. Books, moods and more. One more cup of coffee. Manon lit aussi. Good books, good friends. Animal lecteur. Mes p’tits lus. Capucinette. Marine Stouppou. Drums n books. Prête moi ta plume. Mademoiselle Maeve
Ping : Conversation With Friends, Alice Birch – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries
Ping : Où es-tu, monde admirable ?, Sally Rooney – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries
Ping : La persuasion des femmes, Meg Wolitzer – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries
Merci pour le lien !
Sinon je suis plutôt d’accord sur le fait que le lecteur était à la traîne. L’histoire avançait tellement vite on manquait des bouts qui n’étaient pas dit.
J’aimeAimé par 1 personne
Pas une réussite en tout cas… c’est un plaisir d’échanger avec quelqu’un qui a des réserves sur ce titre 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Je pense que malheureusement, si on n’accroche pas aux personnages, le livre devient compliqué à apprécier 🙂 Mais il est vrai que la narration a quelque chose d’instable qui reflète finalement très bien les ressentis des personnages je trouve.
J’aimeAimé par 1 personne
C’est vrai qu’ils m’ont été assez antipathique et que ça ne m’a pas aidée !
Oui sans doute, mais reste que j’ai trouvé la plume plate et finalement assez creuse…
J’aimeJ’aime
Voilà, pas mieux ! 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
C’est très juste « décousu » pour qualifier cette histoire, mais je le vois comme une volonté de l’autrice, son but littéraire. Monter un récit réaliste, qui correspond à la vie des gens normales, c’est-à-dire nous. Nous qui lisons, nous qui n’appartenons pas à la fiction des histoires inventées.
J’aimeAimé par 1 personne
Ce n’est pas tant le côté décousu qui m’a gênée que la froideur du style et les personnages que je n’ai pas réussi à apprécier… mais merci de ton commentaire, c’est toujours enrichissant d’avoir des avis divergents 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Ping : Normal People, de Sally Rooney | Cannibales Lecteurs
Ping : Rien de sérieux, Naoise Dolan – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries
J’avais été tentée à sa sortie et maintenant beaucoup moins… Comme Eve je me concentre sur ma PAL et les envies présentes depuis longtemps 😉
J’aimeAimé par 1 personne
Tu as bien raison 😉
J’aimeJ’aime
Oh, tu as la dent dure 😊 moi j’ai aimé la narration linéaire et ces sauts de puce dans le temps, ça change, et j’ai trouvé au contraire que cela donnait du rythme au récit, genre oh où sont-ils, alors ?
J’aimeAimé par 1 personne
D’habitude cela ne me gêne pas mais là les ellipses portent sans doute sur des périodes trop longues à mon sens. Et puis j’ai trouvé les deux héros finalement assez antipathiques. Tant pis, je serais convaincue par un autre titre 🙂
J’aimeJ’aime
Je préfère passer mon tour… de toute manière il faut que je me mette un peu à jour 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
En effet, passe ton tour…! 😉
J’aimeAimé par 1 personne