Le dernier été en ville, Gianfranco Calligarich

Ce roman, entre malice et mélancolie, renferme un condensé d’une Italie solaire et surannée, poussiéreuse dans la lumière d’ambre de l’aube. Écrit en 1973, Le dernier été en ville suit les errances du narrateur, Leo, sans doute l’auteur déguisé. Parti de Milan à la fin des années 1960 pour vivre l’aventure, pour découvrir la vie, il s’installe à Rome, journaliste de pacotille, aspirant scénariste, oiseau de nuit qui hante les salons bourgeois le soir venu puis les bars une fois le jour levé, joli cœur amoureux d’une fille « imprévisible » et magique à l’odeur de lilas. Quand elle ne minaude pas dans le miroir ou dans les yeux des gens, Arianna joue au solitaire, habitude héritée de son séjour en hôpital psychiatrique. La jeune femme n’en a gardé qu’une mélancolie latente et charmante ainsi qu’une fantaisie déroutante et assumée. Alors Leo compose avec ce feu-follet, hypnotisé par les remous du vif argent. Pas encore amants, tous deux se tournent autour, se frôlent et s’éloignent dans cette Rome mondaine que donne à lire l’auteur, Dolce Vita recouverte d’un vernis de tristesse qui grise l’or des anges romains.

Gianfranco Calligarich aurait pu appartenir à la Beat Generation, à ce cercle d’écrivains qui se perdent pour se trouver, des désillusions passagères marquant leur existence du sceau de la nostalgie de jours enfuis, pourtant à peine passés. Il décrit Milan sous la neige puis Rome sous le soleil, ses fontaines, ses places ensoleillées et ses trattorias avec emphase et poésie, sa plume visuelle créant de véritables clichés de la capitale italienne, hantée par les ombres de Proust, d’Homère, de Melville. D’aucuns songeront aussi à Eva en août, réalisation de Jonas Trueba, à ces déambulations sans but, entre désœuvrement subit, lunaire, et langueur paresseuse dans une ville solaire, même à l’heure des sorcières. Leo côtoie des hommes et des femmes hauts en couleur, intellectuels pleins d’assurance et d’une certaine indifférence, galerie de personnages qui tourbillonnent, se confondent dans les vapeurs émanant des pavés brûlants et dans celles de l’alcool trop fort que boivent les protagonistes aux terrasses, au bureau et dans les intérieurs étouffants jusqu’à s’asphyxier de torpeur et d’amour, de lilas écœurant et de mélancolie.

Gianfranco Calligarich – Un dernier été en ville
[L’ultima estate in città – traduit par Laura Brignon]
Gallimard
4 février 2021 (date de publication originale : 1973)
224 pages
19 euros

Ils/elles en parlent aussi : Le blog de Yuko. La viduité. Xavier Denecker. Plaisirs à cultiver. Louise Adèle

Une réflexion sur “Le dernier été en ville, Gianfranco Calligarich

  1. Ping : Petit déjeuner chez Tiffany, Truman Capote – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s