La route, Cormac McCarthy

Un père et son fils sont sur la route. Ils errent, marchent vers le sud, continuent à vivre sans savoir pourquoi, attirés par la mort sans se l’avouer. Au bord de l’asphalte, des corps, des squelettes, des bois calcinés. Tout est couvert de cendre. Même la mer. La seule lumière se trouve dans leur cœur et dans l’amour qu’ils se portent l’un à l’autre.

C’est noir et dur et triste. Mais c’est aussi beau. Cormac McCarthy imagine la fin du monde, le retour aux instincts primaires, la chasse perpétuelle pour survivre dans un univers où être vivant n’a rien d’enviable. Ses dialogues sont empreints d’une infinie justesse, laissant sourdre toute la tendresse que « l’homme » ressent pour « le petit » pour qui il continue à avancer, à chercher à manger, à se battre contre un ennemi invisible, contre le vent, contre la terre, contre le destin qui semble pourtant les avoir oubliés. Les phrases sont hachées, souvent courtes, traduites d’une main de maître par François Hirsch. Les virgules sont rares, les guillemets, inexistants, comme une façon d’épurer le texte pour le rendre semblable au paysage de désolation qu’il dépeint. Parfois, les propositions s’empilent, liées par des « et », mélopée douloureuse, emplie de souffrance mais d’une poésie vibrante. Tient dans ses pages tout ce qu’il reste d’humanité alors que la bestialité a rongé l’espèce humaine et a gagné – presque. Leur route est monotone, quête improbable, vaine. Mais ils portent le feu dans leur poitrine, le feu des justes, le feu des gentils.

« Peut-être que dans la destruction du monde il serait enfin possible de voir comment il était fait. Les océans, les montagnes. L’accablant contre-spectacle des choses en train de cesser d’être. L’absolue désolation, hydropique et froidement temporelle. Le silence » (page 242)

Ce roman dont s’est nécessairement nourri Debra Granik pour réaliser Leave No Trace, père et fille à l’écart de notre société de consommation, dans les bois, parce que c’est comme ça, parce qu’ils sont inadaptés, parce que « ceux qui errent ne sont pas tous perdus », ce roman qui a inspiré plus encore Casey Affleck pour filmer Light Of My Life, histoire d’un homme et de sa fille dans un monde apocalyptique, noir, brûlé, a remporté le prix Pulitzer en 2007.   

Cormac McCarthy – La route
[The Road – traduit par François Hirsch]
Points (poche)
Mai 2009
256 pages
7 euros

Ils/elles en parlent aussi : Levons l’encre. Hildr’s world. Little coffee book. Aire(s) libre(s). Des livres sous les étoiles. Dragon galactique. Collapsofictions. Charlotte parlotte. Read look hear. Ana lire. Mes échappées livresques

41 réflexions sur “La route, Cormac McCarthy

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  7. Roman qui m’a traumatisé, dont je suis ressorti effondré. Depuis, ses visions noires d’un possible avenir de l’humanité me hantent.
    Tu évoques à raison d’eux films qui s’en inspirent directement (le Granik a ma préférence), j’ajoute l’adaptation faite par John Hillcoat avec Viggo Mortensen et la musique de Nick Cave. Assez réussie mais evidemment sans commune mesure avec la puissance du livre.

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    1. Je comprends, il est d’une violence sourde et latente sans pareil, d’une rare puissance d’évocation…
      Je me rappelle avoir lui des allusions à l’adaptation dans tes critiques, notamment dans celle de Light of My Life, et maintenant je comprends mieux pourquoi (même si je savais vaguement de quoi il retournait). J’aime bien Viggo Mortensen et je serais curieuse de le voir dans un tel rôle, peut-être pas tout de suite mais dans un futur proche, quand le livre aura un peu quitté mes pensées…

      Aimé par 1 personne

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