Louise Erdrich, Amérindienne inquiète du futur
À l’heure où les 50 degrés ont été atteints en Amérique du Nord, à l’heure où la glace fond au Pôle Nord, où l’été fait grise mine et l’hiver s’adoucit, où les réfugiés climatiques commencent à affluer en Europe, Louise Erdrich signe une dystopie aux accents d’aujourd’hui. Les États-Unis qu’elle imagine, si proches de nous, sont reclus, repliés sur eux-mêmes depuis plusieurs années déjà, et la fin du monde est dans l’air sans que personne ne sache vraiment pourquoi. Enfin, l’annonce éclate : l’espère humaine en a fini avec l’évolution – désormais, c’est la régression. Les femmes enceintes seront ainsi les premières cibles du nouveau régime catholique extrémiste qui se met en place. Or, Cedar, l’héroïne de ce roman, attend un bébé. L’auteure imagine la lettre longue de nombreuses pages, récit consigné dans un carnet, qu’elle écrirait au petit être qui habite son ventre, à l’enfant de la prochaine aurore. Avant de savoir qu’une chasse aux sorcières est lancée, la narratrice tente de renouer avec ses racines, d’achever le puzzle de son existence et de sa propre naissance pour les raconter à son bébé à qui elle s’adresse. Ses parents l’ont adoptée et elle est née dans une famille amérindienne, ojibwé, qu’elle décide de rencontrer pour le bien-être de celui qu’elle pense être un garçon. Louise Erdrich signe donc un livre entre quête des origines et roman d’anticipation glaçant, titre à part, déparant dans sa bibliographie. Elle écrit à la première personne et à la deuxième, nous plonge dans les pensées, les doutes, les craintes et les humeurs fluctuantes d’une femme enceinte plus vraie que nature, ce qui crée une proximité certaine avec sa protagoniste et ceux qui l’entourent, famille originelle et famille adoptive.
L’enfant de la prochaine aurore, roman hybride
Le confinement forcé, la chaleur étouffante, la panique et la lente mutation des Hommes en animaux délateurs et froids sont autant d’éléments qui ne sont pas sans rappeler notre présent et les prédictions concernant les années futures de la Terre. Parfois, quelques envolées sont semblables à une mélopée, ode au monde disparu, au « paradis perdu » de neige et de douceur. Le parcours de Cedar est émouvant, tant sa recherche d’amour, sa quête d’elle-même, personnalité dissimulée et inachevée qu’elle tente de cerner en sondant les profondeurs de ses proches, que sa grossesse lente et compliquée, l’enflement progressif de son corps, proportionnel au nombre croissant de pages lues, dévorées. Le rythme est changeant, faisant tantôt de L’enfant de la prochaine aurore un page-turner radical tantôt une étude socio-médicale parcourue de réflexions sur la Conception.
Louise Erdrich - L'enfant de la prochaine aurore
[Future Home of the Living God - traduit par Isabelle Reinharez]
Albin Michel (Terres d'Amérique)
Janvier 2021
416 pages
22,90 euros
Ils/elles en parlent aussi : Uranie. La livrophage. Elle m lire. Carolivre. Quand Ophe lit. Au pays des cave trolls. Les maux dits. Little coffee book. La flibuste des rêveurs. Les jolis mots de Clem. Aude bouquine. Les lectures d’Azilis. Hop ! Sous la couette. Les miss Chocolatine bouquinent. Ju lit les mots. Aux bouquins garnis. Mes échappées livresques La culture dans tous ses états. Lettres exprès
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Très bel avis ! Merci pour le tag 😉
Effectivement c’est un livre qui donne envie de découvrir l’univers de l’auteure.
Bel après-midi !
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Merci à toi !
Oui tout à fait 😉
Bonne soirée et au plaisir d’échanger 🙂
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Je préfère ses romans purement amérindiens.
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Je n’en ai pas encore lus mais celui-ci m’a plu, même si je lis très peu de dystopies. Tu me conseillerais quel titre ?
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La malédiction des colombes, mais aussi Dans le silence du vent ou Le jeu des ombres . J’ai encore Le pique-nique des orphelins dans ma PAL
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Merci beaucoup pour ces conseils !
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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Je viens de finir « Ce qui a dévoré nos coeurs ». Cette auteure m’intéresse beaucoup. Cette chronique me donne très envie de me plonger dans ce nouveau roman.
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Eh bien j’en suis ravie. Je suis moi aussi curieuse de lire ses autres œuvres !
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ta chronique est superbe et convaincante donc ce livre va rejoindre ma PAL
dans un accès de fièvre acheteuse je viens d’acquérir « Dans le silence du vent » et « LaRose » qui étaient en attente depuis longtemps, maintenant il n’y a plus qu’à 🙂
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Merci beaucoup !
Ils sont dans ma liste également, et je sais que mes parents ont Le jeu des ombres : impossible de me souvenir si je l’ai lu plus jeune ou pas… il va falloir que j’y remédie 🙂
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Ta critique est vraiment belle. C’est un livre que j’ai beaucoup aimé. Pour tout ce que tu en dis si justement. Il me donne envie d’en découvrir d’autres de l’auteure. Une dystopie qui fait froid dans le dos. Belle journée à toi Cécile 😊
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Merci beaucoup ! Je me suis rappelée ton billet plus qu’enthousiaste donc je n’ai pas hésité pour ce roman, d’autant que le nom de Louise Erdrich ne m’était pas inconnu. Je sais que L’enfant de la prochaine aurore est à part dans sa bibliographie mais, comme toi, j’ai envie de découvrir ses autres titres 😊 belle journée à toi aussi Fred !
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