Miss Josephine, Margaret Wilkerson Sexton

Comme dans son précédent roman, Un soupçon de liberté, Margaret Wilkerson Sexton construit Miss Josephine sur un rythme ternaire. Cette fois, les personnages n’existent qu’à un instant T de leur vie, loin de l’ample temporalité précédemment choisie. En 1924, Josephine a plus de soixante-dix ans ; mère et grand-mère, elle voit son monde à nouveau percuté par le monde blanc, amitié tentante épicée de danger. Déjà en 1855, alors enfant et vivant sur une plantation, elle frayait avec la fille des planteurs, sororité risquée – ce qu’elle raconte à son petit-fils comme des histoires du soir, des avertissements autant que des récits empreints de Southern Gothic et d’esprits. En effet, elle découvrait ses pouvoirs, ce mélange de vaudou et d’autre chose qui courait dans ses veines et courra dans celles de ses descendants. De fait, de nos jours, l’arrière -arrière-petite-fille de Josephine, Gladys, est doula et elle est habitée par la présence de son aïeule ainsi que par ses dons. La fille de Gladys, notre focalisatrice, Ava, ignore pourtant les conseils de sa mère, inspirés de ce fantôme qui tait son nom, davantage compagnie discrète que spectre, et essaie de faire face à son héritage seule, d’accepter ce que sa lignée lui a transmis tout en prenant soin de son fils adolescent.

Au-delà de ce lien spirituel qui enjambe plusieurs générations, au-delà de l’histoire qui se prolonge, des noms qui se perpétuent, Josephine, à deux moments précis de sa vie, et Ava sont toutes deux amenées à pénétrer un microcosme qui n’est pas le leur, à voir leur existence frotter contre celle d’une femme blanche qui ne considère pas la peau sombre sans a priori. Si la construction choisie par Margaret Wilkerson Sexton a tendance à frustrer, à brimer ses personnages et à les empêcher de se développer comme ils l’auraient pu, elle permet cependant de mettre en lumière l’héritage de l’esclavage, l’évolution du racisme de siècle en siècle. Des deux côtés de la frontière, les familles donnent naissance à des nouveau-nés qui porteront le poids d’hier, la mentalité du passé toujours présente comme une empreinte indélébile.

Merci aux éditions Actes Sud qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.

Margaret Wilkerson Sexton – Miss Josephine
[Miss Josephine – traduit par Laure Mistral]
Actes Sud
7 septembre 2022 (rentrée littéraire d’automne 2022)
336 pages
22,80 euros

Ils/elles en parlent aussi : Julie à mi mots. Patricia

6 réflexions sur “Miss Josephine, Margaret Wilkerson Sexton

    1. Je crois que c’est assez emblématique de Toni Morisson par exemple, ce mélange de fantôme/vaudou, cette ambiance mystérieuse et cette toile de fond généralement sudiste ou, en tout cas, liée au Sud des États-Unis.
      Ah, et bien tant mieux ! Pour ce titre-ci j’ai quand même quelques réserves mais il a des qualités 😉

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      1. Je ne l’ai pas lu et peux donc uniquement me baser sur les résumés : pour l’ambiance, ça a l’air assez proche, mais un livre de Southern Gothic n’est pas forcément un polar, davantage un livre peuplé de mystères ésotériques, de quasi fantômes 😉

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