Grand Hotel Europa, Ilja Leonard Pfeijffer

À travers Grand Hotel Europa, Ilja Leonard Pfeijffer critique le tourisme de masse et dresse une sorte d’éloge funèbre à l’Europe, dont le seul attrait semble aujourd’hui être son passé. Dans cette mise en abyme qui place l’auteur au centre de son œuvre puisqu’il en est le narrateur, il mêle plusieurs sujets, plusieurs livres en réalité. Il entrelace ainsi histoire d’amour, quête artistico-historique, récit des prémices d’un tournage documentaire et réflexion sur les grandes migrations qui agitent le monde aujourd’hui, entre touristes patauds et réfugiés, les seconds étant moins néfastes pour le Vieux Continent que les premiers d’après la thèse de l’auteur – thèse à laquelle il semble logique de souscrire. Cependant, si ce qu’Ilja Leonard Pfeijffer avance est censé, pertinent et pour le moins argumenté, une prose lourde et de trop nombreuses longueurs desservent l’ensemble. La pluralité de Grand Hotel Europa,qui n’a en réalité rien d’un roman, en fait un objet hybride et contribue à son manque d’harmonie, d’homogénéité.

Les premières pages, relatant l’arrivée lente et presque mystérieuse de l’auteur-narrateur dans ce mythique hôtel presque désert, laissent présager une ambiance surannée et légèrement étouffante comme seules peuvent l’être les atmosphères de ces romans qui ont un hôtel pour cadre – Hôtel Waldheim de François Vallejo ou Silence radio de Thierry Dancourt ne dérogent pas à la règle. Mais rapidement, Ilja Leonard Pfeijffer emmène ailleurs, dans son passé d’amoureux transi finalement éconduit, dans une Venise brièvement magnifiée par sa prose puis à Malte et à Portovenere, sur les traces d’un tableau disparu du Caravage. Il serpente dans les rues, entre un cimetière de migrants morts en mer et un paquebot ravageant les villes que ses passagers sont venus visiter, leur faisant ainsi perdre toute l’authenticité qui attire pourtant les touristes de prime abord – ce qui force les dites-villes à créer une authenticité artificielle. L’auteur digresse et part dans plusieurs directions – de la caricature à l’essai, de la romance à l’enquête, du comique au discours ronflant. Si ces routes finissent par converger, le Néerlandais noie la pertinence de ses parallèles en empruntant maints détours, en écrivant des scènes torrides particulièrement crues et d’autres interminables dialogues quasi-socratiques. Son style et ces circonvolutions font montre de son savoir d’intellectuel qui s’écoute beaucoup parler – et écoute aussi les autres, sans doute reflets de lui-même.

Merci néanmoins à NetGalley et aux Presses de la Cité pour cette lecture.

Ilja Leonard Pfeijffer – Grand Hotel Europa
[Grand Hotel Europa – traduit par Françoise Antoine]
Presses de la Cité
20 janvier 2022 (rentrée littéraire d’hiver 2022)
650 pages
23 euros

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