Julie (en 12 chapitres), Joachim Trier

Julie racontée en 12 chapitres – une jeune femme d’aujourd’hui indécise, feu follet souriant, boule d’énergie qui trouve finalement un équilibre avec Aksel, de quinze ans son aîné. Mais le « timing » évoqué par Joachim Trier n’est pas le bon ; tous deux n’en sont pas au même stade de leur vie, n’ont pas les mêmes envies, ni les mêmes aspirations. Peu à peu, le charme de la douceur posée et intellectuelle du bédéiste s’estompe avec les années ; le sortilège prend fin avec la rencontre entre Julie et Eivind à une soirée, porteuse de la promesse d’une liberté plus grande – croit-elle. Tous deux jouent à flirter avec les limites de la fidélité, à manquer se brûler les ailes, le réalisateur critiquant notre conception monogame de l’amour grâce à une esthétique subtile. L’honneur est sauf mais le cœur n’en sort pas indemne.

Copyright : Oslo Pictures

Construit de manière hachée, en douze chapitres se répondant alors que les mois et les années s’écoulent, le long-métrage ne s’essouffle pas. La temporalité suivie donne davantage de profondeur à Julie, et ce malgré le classicisme du fil conducteur. Le réalisateur parvient ainsi à aborder divers sujets actuels, toujours à travers une lentille déformante de poésie et d’irrévérence soignée qui a charmé l’académie des César et celle des Oscars puisque son Julie (en 12 chapitres) est chaque fois nominé dans la catégorie des meilleurs films étrangers.

De fait, Joachim Trier reprend le thème immémorial du trio amoureux, l’habille d’une réflexion sur le fossé générationnel, l’ancre dans la société norvégienne actuelle et en profite pour filmer avec talent Oslo et sa lumière si particulière. Il revient donc à des sujets plus proches de lui et de sa vie quotidienne après avoir joué avec le fantastique dans ses réalisations précédentes.

Le tragique de l’existence humaine, la « mélancolie » de la protagoniste laissent parfois des rayons d’humour impertinent illuminer le long-métrage et lui offrir un ton plus juste encore. Féministe, Julie (en 12 chapitres) l’est surtout par son portrait résolument moderne d’une trentenaire hésitante mais pleine de vie, aux prises avec son manque de figure paternelle, sa difficulté à s’engager quand la relation devient plus complexe, à faire des choix. Renate Reinsve incarne avec justesse cette héroïne non sans défauts, lui confère épaisseur et insolence : en réalité, elle a contribué à construire ce personnage taillé sur-mesure, à établir la psychologie de Julie. Cela lui a permis de connaître cette jeune femme fictive sur le bout des doigts et l’a sans doute mise sur la voie de la Palme de la meilleure interprétation féminine du festival de Cannes, qu’elle a finalement remportée. Avant Julie (en 12 chapitres), l’actrice multipliait les rôles secondaires (voire tertiaires) : elle fit notamment une brève apparition lors du précédent film du réalisateur, Oslo 31 dans lequel Anders Danielsen Lie prêtait quant à lui ses traits au héros. Joachim Trier est ainsi fidèle à ses comédiens. Alors qu’il avait à cœur de créer un premier rôle pour Renate Reinsve, il confie également aimer suivre Anders Danielsen Lie le temps passant, projetant nécessairement sur lui certains des affects qui sont les siens puisqu’il est de quelques années à peine son cadet.   

Renate Reinsve et Joachim Trier sont parvenus à donner corps à une héroïne attachante et touchante qui n’en est pas moins profondément humaine dans ses failles et ses doutes. Elle est mise en avant par des personnages masculins contradictoires, chacun représentant presque caricaturalement une facette de la société tout en étant construits et émouvants. La poésie de certains plans, leur romantisme travaillé mâtinent les fêlures de chacun d’une nostalgie poudrée et lumineuse, d’une douceur d’un autre temps, tout en représentant l’essence de notre époque.

De : Joachim Trier
Avec : Renate Reinsve, Anders Danielsen Lie, Herbert Nordrum
Genre : Comédie dramatique
Durée : 2h08
Sortie en salles le 13 octobre 2021

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13 réflexions sur “Julie (en 12 chapitres), Joachim Trier

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  3. Maximelefoudulivre

    Bonjour Ceciloule,

    Merci pour la critique.
    J’ai vu le film et franchement, j’ai pas trop aimé.
    Il y a un peu d’humour, le personnage de Julie peut être attachant mais les autres également le sont et j’admets avoir été attaché plus à Aksel. Cela explique surement pourquoi je suis passé à coté.

    Autrement, le message est clair, la construction change, on suit vraiment sont évolution et c’est bien de voir des films un peu différents 🙂

    Bonne soirée

    Chaleureusement,

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    1. Bonjour Maxime,

      Tous les personnages sont attachants à mon sens, et je pense que l’on peut retrouver des émotions, des situations familières ou des morceaux de nous dans chacun. Quant à l’humour, il relaye intelligemment le drame de la vie et de l’amour au centre duquel l’être humain est piégé. Bref, un coup de cœur pour moi !

      Bonne journée 🙂

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