Les jours heureux, Adélaïde de Clermont Tonnerre

Les jours heureux au soleil

Oscar, le narrateur d’Adélaïde de Clermont Tonnerre, est le fils d’un couple mythique, mythique mais imaginaire. Stars du grand écran, en coulisses, réalisateurs grandioses, ils sont une légende à eux tout seuls, mais cette légende ne réside pas que dans leur filmographie : leur amour est aussi auréolé de grandeur, d’une pincée de magie. Ils se sont aimés, détestés, remariés, séparés. Et puis réunis, une nouvelle fois, la dernière. Oscar débute ce récit par le diagnostic qui est posé à sa mère – elle ne survivra pas à son cancer qui a déjà réduit en esclavage une partie de son corps. Prétexte à divagation, cette annonce entraîne Oscar dans ses souvenirs d’enfance, de vacances et de dîners entre amis où, petit, il se laissait porter par les rumeurs lointaines, les parfums du sud et du repas, la brise rafraîchie par la nuit – Les jours heureux. Ensuite, il délaisse le passé et raconte sa – leur – vie au jour le jour, entre projets cinématographiques et voyages enivrants. Sans doute aucun, Adélaïde de Clermont Tonnerre a écrit ce roman alors qu’elle rêvait aux rayons du soleil et à la mer, aux odeurs douces et piquantes de l’été, ou bien aux clochers bombés et givrés des églises moscovites. Ses phrases courtes parviennent à leurrer les sens du lecteur et à l’emmener ailleurs, à tisser des paysages et des atmosphères sensorielles sans faille.

Une histoire de famille qui s’éparpille

Malgré cette habileté à saisir l’essence des lieux, Les jours heureux n’est pas sans défauts. Oscar est fade et assez agaçant, homme soumis à ses pulsions. Si son histoire passée et les liens indéfectibles qu’il entretient avec ses parents sont touchants, sa promptitude à tomber pour une poupée Barbie trop superficielle, trop belle pour être vraie, pour être immaculée, a tôt fait d’exaspérer. L’auteure s’est éparpillée, a voulu aborder une kyrielle de sujets tabous, mêlant l’addiction aux écrans à #MeToo et à la politique américaine, cette dernière n’ayant pas sa place dans ce livre. Celui-ci pâtit ainsi de la présence d’un personnage, un seul, qui alourdit le récit et fait finalement tendre cette histoire de famille aux accents de Provence et de cigales vers une mauvaise romance puis finalement vers un tout aussi mauvais film d’espionnage.

Outre cette amourette futile sur fond de relations à distance via Instagram et sextos hot, d’autres éléments auraient dû être laissés de côté quand certaines facettes ne sont que survolées. Ainsi, la volonté affichée de citer certaines personnalités du cinéma en ne donnant que leurs prénoms recouvre le récit d’un vernis de frivolité clinquante inutile, et les trop rares pages du journal d’Aurélie, scénariste fragile et blessée, lui apportent une profondeur et une justesse trop passagères. Dans un roman hommage au cinéma, évoquer Harvey Weinstein – jamais nommé autrement que W quand Emma Cline ne mentionnait que son prénom dans la novella éponyme paru il y a peu – semblait judicieux, intelligent, mais cette ambition louable est éclipsée par une intrigue secondaire pour le moins superflue.

Merci aux éditions Grasset et à NetGalley pour cette lecture.

Adélaïde de Clermont-Tonnerre – Les jours heureux
Grasset
5 mai 2021
448 pages
22 euros

Ils/elles en parlent aussi : Des livres aux lèvres. L’Apostrophée. Les plaisirs de Marc Page. Un livre après l’autre

24 réflexions sur “Les jours heureux, Adélaïde de Clermont Tonnerre

  1. Ping : La définition du bonheur, Catherine Cusset – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : Les douces, Judith Da Costa Rosa – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  3. Je dois reconnaitre que j’ai lu un livre de Adélaïde de Clermont-Tonnerre et il m’a marqué à vie mais dans le mauvais sens du terme. Je n’adhère pas du tout à son style mais c’est très subjectif bien sûr. C’était « le dernier des nôtres ».. je n’ai pas pu le terminer et pourtant je l’avais acheté en broché. Maintenant, je n’ai pas le monopole du bon goût fort heureusement 😉

    Aimé par 1 personne

    1. J’avais bien aimé mais je ne tenais alors pas Pamolico et je lisais bien moins que maintenant donc je ne sais pas ce que j’en penserais aujourd’hui.
      Non, tu n’as pas le monopole du bon goût mais nous avons souvent des ressentis assez similaires 😉 et je te fais entièrement confiance quant aux romans que tu conseilles !

      Aimé par 1 personne

  4. Adélaïde de Clermont-Tonnerre

    Merci d’avoir donné sa chance aux « Jours heureux ». Je suis bien désolée que mes personnages ne vous aient pas intéressée. J’ai fait de mon mieux 😅.
    Très bonne journée à vous.

    Aimé par 1 personne

    1. J’ai bien aimé la relation filiale et les liens d’Oscar avec ses parents, la tendresse qui les unit. Aurélie m’a beaucoup touchée également. C’est la présence de Natalya qui m’a dérangée… elle m’a agacée et m’a empêchée de ressentir une véritable compassion pour Oscar.
      En tout cas merci de m’avoir fait voyager de la sorte : les atmosphères des pays que vous décrivez m’ont enivrée. Merci également de m’avoir lue et de me permettre d’échanger avec vous. Désolée de ce rendez-vous (presque) manqué et je retrouverai malgré tout votre plume avec plaisir !

      J’aime

  5. Ma pile te remercie de ce non-ajout de souhait !
    Et oui je te rejoins, Eve, j’aime bien regarder de temps en temps LGL (cela dépend du thème et des invités) mais F. Busnel m’agace souvent assez vite par sa propension à la dithyrambe… je ne sais pas si c’est du cirage de pompes, où si c’est parce qu’il n’invite que des auteurs dont les romans lui ont plu !!

    Aimé par 1 personne

      1. J’avais bien aimé Le dernier des nôtres mais mon esprit critique n’était pas ce qu’il est désormais et je n’avais pas autant de sources de comparaison en terme de littérature blanche… peut être qu’aujourd’hui je serais déçue !

        J’aime

Laisser un commentaire