Un amour de sel et de fumée
Leur amour était de sang et de larmes, d’eau de mer et de gaz lacrymogène. De sel et de fumée. Samuel raconte Lucas et sa fougue, Lucas et ses éclats, Lucas et son air fanfaron. Lucas qui n’est plus là. Se mêlent, au présent, fragments de leur histoire si brève mais si intense, et bribes de deuil, de douleur salée, de vide béant au creux du ventre. Samuel était le plus timoré des deux, le discret, comme l’Elio de Call me by your name, comme l’Alexis d’Été 85. Leur amitié incandescente s’est soudainement transformée en passion brûlante, dévastatrice, violente.
Agathe Saint-Maur et sa poésie déroutante
Agathe Saint-Maur se glisse avec souplesse dans la peau d’un jeune homme qui semble plus âgé, qui sonne presque trentenaire alors qu’il est encore étudiant à Sciences Po, école que l’auteure a quittée il y a quelques années à peine. Elle embrasse les sentiments de son narrateur, comme un manifeste, une preuve irréfutable que l’homosexualité ne distord pas les sensations, les rêves et les amours – pour ceux qui en doutaient –, comme un pied de nez aux protestataires réactionnaires de la Manif pour tous, au militant qui tue Lucas, le Lucas de Samuel, le Lucas au regard de braise et au teint caramel au beurre salé – le sel, toujours, arrosé de fumée. La primo-romancière use et abuse des métaphores qui courent, longues, toujours plus longues, sur la page, parfois à la limite de l’absurde, poisson, papillon et amant se mêlant dans les pensées du narrateur amoureux et à terre. Cette poésie est à la fois la force et la faiblesse de ce roman puissant, ce qui lui donne son esthétisme, son timbre éploré et superbe. De sel et de fumée est une ode à la rage amoureuse, lyrisme et chagrin déchirant enveloppant chaque chapitre, chaque parcelle de cette histoire que Samuel revit toutes les nuits, lorsqu’il rejoint les étoiles où son soleil s’est enfui. Malgré toute sa souffrance, ce dernier ne suscite pas vraiment de sympathie, sa timidité presque apathique l’éloigne du lecteur qui, pourtant, plonge au plus profond de sa peine, saline et ouatée – de sel et de fumée.
Agathe Saint-Maur – De sel et de fumée
Gallimard
7 janvier 2021
240 pages
18 euros
Ils/elles en parlent aussi : La plume de l’hirondelle. Le petit caillou dans la chaussure. Lili au fil des pages. Demain je lis. Au fil des livres. Agathe the book. The unamed bookshelf
Il m’attend et j’avais lu de beaux retours au moment de sa parution mais tu sembles moins enthousiaste. J’y viendrai par curiosité mais pas tout de suite.
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C’est beau et puissant, mais l’auteure en fait parfois un peu trop dans les envolées poético-lyriques à mon sens.
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le thème me plaît, ta chronique aussi, je le note même si j’ai encore envie de lectures plus légères 🙂
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Ah oui, ce n’est pas léger… j’ai vu sur ton blog que tu continuais ta découverte « polaresque » en effet 🙂 ravie de t’avoir donné envie malgré tout !
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Très bel article sur un sujet sans doute bien trop lacrymogène pour moi. 😉
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Merci beaucoup ! En effet, le deuil a vraiment une place prégnante dans De sel et de fumée, la plongée dans la douleur du narrateur est assez saisissante et donc lacrymogène, comme tu le dis 😉
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Le sujet est intéressant et ta chronique, même si je note des réserves de ta part, est vraiment belle. Merci Cécile, beau weekend prolongé ! 😊
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Merci !
Bon week-end pluvieux à toi Fred 😊
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Merci beaucoup Cécile ! 😊
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A reblogué ceci sur Le Bien-Etre au bout des Doigts.
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