La définition du bonheur, Catherine Cusset

Ève et Clarisse, ou deux femmes unies par un lien découvert tardivement – dans leur vie, mais aussi dans ce roman. Catherine Cusset écrit sur la féminité, de l’adolescence fragile et brisée, fracassée en plein vol, à la cinquantaine abordée avec méfiance et, finalement, embrassée comme un âge heureux, parcouru de souffrances – comme tout moment de l’existence. Elle entremêle le destin de ces deux héroïnes qui, parfois, se mélangent, se confondent et se superposent. Le fil qui les relie se révélera plus décevant que toutes les hypothèses envisagées pendant la lecture, et sans doute plus vraisemblable – tout en l’étant moins. Certaines coïncidences ou certaines similitudes entre les deux protagonistes laissent songeurs, les théories échafaudées au fil des pages s’écroulant avec la révélation très prosaïque, peut-être un peu facile, mais finalement pas si inintéressante.

Mise en abîme parfois instable et stéréotypé, La définition du bonheur est néanmoins un récit sur la féminité d’hier, d’aujourd’hui et de demain. À New-York et à Paris, Ève et Clarisse vivent, séparées par un océan. La maternité, la carrière, l’amour, la vie conjugale, les aventures, les passions d’un soir ou d’une année, la maladie, la monotonie du quotidien de l’une quand l’autre ne supporte pas cette platitude – toutes les facettes du destin féminin (classique) sont abordées ici, et c’est sans doute la plus grande force de ce roman, malgré les clichés, les éléments bancals, les inévitables passages en force de #MeToo, du viol et de la violence masculine, les phrases courtes qui s’enchaînent souvent trop vite et accélèrent sans raison le rythme de la narration. L’impossibilité d’ouvrir un livre sur le « deuxième sexe » sans trouver ici et là des éléments de sa libération nouvelle devient presque lassant, alors que ce sujet est pourtant brûlant et capital. Il finit par être aplati, aplani, à force de hanter tous les romans d’auteures françaises que l’on ouvre… Comme dans Les jours heureux d’Adélaïde de Clermont-Tonnerre, la libération de la parole se surimprime ici sur le contexte social et politique, malgré tout très distant, comme une toile de fond floue et secondaire, tout juste là pour justifier une ou deux phrases un peu « border­line » de Catherine Cusset qui, entre les lignes, se positionne presque comme une anti-avortement et critique l’Islam d’une ligne assassine. Quant à la pandémie, elle vient clore La définition du bonheur d’une manière à la fois trop abrupte et bien trop détaillée – mais habituons-nous, ce n’est sans doute que le début de ces récits inspirés par notre réalité de ces deux dernières années…

Enfin, la version audio de La définition du bonheur sort concomitamment et il convient ceci dit de souligner la qualité de la lecture proposée par Coraly Zahonero de la Comédie-Française. Sa voix aurait presque même tendance à rendre le roman plus digeste.

Merci aux éditions Gallimard pour cette lecture, et tout particulièrement à Frédérique Romain.

Catherine Cusset – La définition du bonheur
Gallimard
18 août 2021 (rentrée littéraire 2021)
352 pages
20 euros

Ils/elles en parlent aussi : Tourneur de pages. Agathe the book. La bibliothèque de Lilly McNocann, Lili au fil des pages. Sab’s pleasures. Le temps libre de Nath. Les jolis mots de Clem. Au fil des livres

17 réflexions sur “La définition du bonheur, Catherine Cusset

  1. Ping : 10 romans de la rentrée littéraire 2021 – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

    1. Rosalie

      J’en termine la lecture avec une certaine déception, frustration même. J’ai ensuite cherché des critiques pour me conforter dans cette sensation de vacuité… Mais je n’ai trouvé que des éloges. Votre critique m’a fait du bien: c’est exactement ce que j’ai ressenti! Merci 🙂

      Aimé par 1 personne

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