Les inconsolés, Minh Tran Huy

Entre souffrance et poésie, entre passion et conte de fée, les mots de Minh Tran Huy nous touchent en plein cœur, flèches de Cupidon qui ne manquent jamais leur cible.

Lise et Louis, Louis et Lise, deux prénoms aux sonorités qui se mêlent, se répondent et s’appellent, comme leurs corps et leur amour. Leur histoire se nimbe de poussière d’étoiles, de féerie, avant que la cristallisation amoureuse ne laisse place aux éclats, à la violence, aux remords et aux regrets, aux non-dits et à la colère. Lise nous raconte, revient sur ce qu’elle a été, sur son enfance qui se berce d’histoires, de merveilleux, sur son caractère tranquille et torturé à la fois, qui s’est bâti grâce et sur la tendresse suave apportée par les livres, puisqu’elle n’a jamais pu se lover dans les bras d’une mère aimante. Liane, sa sœur, a toujours été la favorite, la plus jolie, le modèle réduit de celle qui l’a portée dans son ventre – Lise, elle, sa peau métissée, ses cheveux bruns, ses rêves éthérés et sa naïveté innocente enfantine si touchante ne récoltaient que tempêtes et foudres impatientes. Alors comment blâmer celle qui s’est enveloppée de légendes et d’enchantements pendant toute ses tendres années, comment la blâmer de tomber amoureuse du prince charmant, blond aux yeux bleus, blond comme les blés et bleus comme un ciel d’été ? Il y a Lise et il y a l’Autre, l’une revient sur ses souvenirs, son passé avec des mots entre nostalgie et amertume, tandis que la seconde évoque à la troisième personne du singulier le tournant de sa vie, le moment de bascule. La rencontre avec ce chevalier servant.

L’écriture, mélancolique et délicate, à l’indolence pastelle, empreinte de féerie, nous emporte dans les ruines des châteaux de notre enfance passée, emprunte aux contes cette magie si gracile et fragile. Aucun mot ne tombe à côté, la toile tissée par Minh Tran Huy est semblable à une soie vietnamienne, sans accroc, parfaite et chatoyante, mystérieuse et veloutée. Et puis, dans les dernières pages, le récit fabuleux devient drame, prend des accents sombres et douloureux, le twist final élevant ce roman au rang de conte inégalable, auréolé de magie, de la douceur ouatée des nuages et des songes.

Les Inconsolés, ou d’heureux amants perdus dans une histoire trop grande pour eux, trop dure, trop intense – incapables de voir le reste du monde. Comme l’écrit Nabokov dans Lolita, “And the rest is rust and stardust” (« et tout le reste n’est que rouille et poussière d’étoile »).

L’auteur parle de son roman ici 🙂

Un énorme merci aux éditions Actes Sud qui, en contribuant à enrichir le site d’aVoir-aLire, ont également contribué à enrichir ce blog.

Crédit photo : le dessin du prince provient du livre Les contes de Grimm chez Grund (illustrés par Adolf Born) / la couverture est celle du livre Princesses oubliées ou inconnues de Philippe Lechermeier chez Gautier-Languereau (illustré par Rebecca Dautremer)

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25 réflexions sur “Les inconsolés, Minh Tran Huy

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    1. C’est une auteure française (et la légère influence de ses origines vietnamiennes amène un peu d’exotisme étonnant et touchant) !
      J’avais beaucoup aimé Nos jours heureux, d’une auteur coréenne (ma seule incursion dans cette culture) – très dur mais superbe de maîtrise.
      Merci pour ton passage et hâte de lire ta prochaine critique des inconsolés :p

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