Quatre sœurs, quatre destins (Les filles du Docteur March, Greta Gerwig)

Ce film raconte une jolie histoire, interprétée par des acteurs jeunes, pleins de fougue et d’inspiration. Basée sur les écrits de Louisa May Alcott ainsi que sur le roman Little women (Les quatre filles du docteur March), la réalisation met en scène une famille, quatre sœurs et leur mère -leur père combattant avec l’armée unioniste lors de la Guerre de Sécession.

Meg, l’aînée (Emma Watson) aime à respecter les bonnes manières, se pâme devant les belles robes et les jolis bals auxquels elle ne peut pas vraiment assister, faute de moyens. Jo (Saoirse Ronan), la seconde, a les mains constamment tachées d’encre à force d’écrire ses nouvelles, de griffonner à la plume, nuit et jour. Amy (Florence Pugh) dessine et elle jalouse ses aînées, rêve au prince charmant qu’elle pense bien avoir trouvé en la personne de Laurie (Timothée Chalamet), pourtant bien vieux pour elle au début du film, alors qu’elle n’est qu’une jeune fille à peine sur le point d’entrer dans l’adolescence. Enfin, la dernière, Beth (Eliza Scanlen), est la moins importante des filles dans le film, son caractère très doux et bon passant au second plan, derrière la personnalité affirmée de ses trois sœurs, leurs effusions et leurs cris – leurs répliques étant bien souvent tirées mot pour mot du roman.

Rapidement, Jo rencontre Laurie et il aura désormais sa place au sein de la fratrie March, traité comme l’un des leurs. On sent qu’il s’agit là du point de bascule de l’histoire, de ce qui nous expliquera le début du film, alors que, sept ans plus tard, Jo court dans les rues de New-York, ses feuilles manuscrites dans les mains, son allure toujours aussi négligée et teintée d’insouciance que pendant son adolescence.

Rien de vraiment extraordinaire dans le scénario, d’aucuns penseront à une transposition d’un Jane Austen dans un milieu américain, à ses histoires de sororité et de mariage, d’argent et d’amour – toutes un peu prévisibles, même si cela ne gâte en rien le respect que je porte à cette grande auteure.

Ici, l’intérêt réside davantage dans la manière de construire le film ainsi que dans le jeu des acteurs. En effet, si le livre est bâti en deux parties (l’enfance puis la vie adulte), dans l’adaptation, les époques s’alternent, ce qui permet de donner un peu de piquant à l’ensemble, du rythme. Le spectateur est donc dans l’attente, dans l’interrogation – à moins, bien sûr qu’il n’ait lu le roman au préalable… Greta Gerwig parvient à créer un certain suspense, rendant Les filles du Docteur March presque moderne grâce à ces aller-retour entre adolescence regrettée, enfance passée trop rapidement, et vie de jeunes adultes, pleine de regrets et de nostalgie. Outre la construction, le film est également moderne dans son sujet. La réalisatrice confie d’ailleurs à Allociné que « ça parle de femmes artistes et ça parle des femmes et de l’argent. Le texte ne parle que de ça, mais c’est un aspect de l’histoire qui n’a pas encore été particulièrement exploré. ». Certains ont même qualifié Les filles du Docteur March de féministe. Je n’irais pas jusque-là, le terme étant sans doute trop fort puisque les femmes dépendent finalement (et inévitablement) des hommes, mais l’idée est là. Une auteure, une réalisatrice, une productrice et quatre (même cinq, voire six si on compte Meryl Streep) actrices talentueuses. Une œuvre de femmes donc, mais pas que parce que, les femmes, à l’époque ne pouvaient pas vraiment s’émanciper, pas totalement. Elles ne restaient que des « little women », toujours reliées de près ou de loin à une présence masculine, comme le rappelle Meryl Streep à ses nièces.

Greta Gerwig retrouve pour ce film Timothée Chalamet et Saoirse Ronan après les avoir dirigés dans Lady Bird, rôle qui avait valu un Golden Globe à la jeune Irlandaise ainsi qu’une nomination pour l’Oscar de la meilleure actrice – peut-être décrochera-t-elle d’ailleurs une quatrième nomination dans cette catégorie cette année (voire le titre !)… En effet, interprétant Jo et donc, l’héroïne de ce film polyphonique, l’actrice se détache vraiment – son talent nous ayant déjà frappés dans Marie Stuart ou Sur la plage de Chesil. Au premier plan de nombreuses scènes, sans que ses consœurs ne soient en reste pour autant, elle confère une profondeur à son personnage et les émotions qui traversent son visage brillent par leur justesse. Timothée Chalamet, son partenaire principal dans cette réalisation, a également une aptitude à faire corps avec son personnage qui impressionne. Son attitude un peu lunaire qui ne sera pas sans rappeler son rôle dans le dernier Woody Allen, tantôt moqueuse, tantôt tendre envers les quatre sœurs, ses traits d’esprit et ses facéties paraissent en effet être siennes, et non une simple interprétation. Il prête son caractère à Laurie : il semble que ce ne soit pas lui qui se plie aux contraintes imposées par son personnage mais l’inverse. Quant aux autres actrices, si elles se démarquent moins, leur jeu n’en est pas mauvais pour autant, loin de là – et on remarquera que Laura Dern, Marmie March, ne se cantonne pas à des rôles de femme d’affaires impitoyables (Marriage Story, Big Little Lies)…

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