Un roman ambitieux (Les fantômes du vieux pays, Nathan Hill)

Avec cette fresque grandiose, Nathan Hill clôt en beauté l’année 2017. Une Amérique aussi bien actuelle que passée se voit tirer le portrait ; et tout prend alors sens. Cet extrémisme soudain qui semble révolter l’auteur ne date pas d’hier. Ou plutôt si : le peuple américain ainsi que ses représentants politiques ont toujours eu tendance à donner dans l’hyperbole et l’exagération. Que dire notamment des années 70, des hippies – mouvement pour le moins extrême dans son genre pacifique –, répondant à des gestes tout autant extrêmes que furent chacune des actions menées au Viêt-Nam ? Aujourd’hui, cet extrémisme se manifeste autrement : à travers des personnalités politiques – le gouverneur Packer n’est pas sans rappeler un président américain élu depuis peu –, mais aussi à travers une démesure addictive – Nathan Hill décortique les rouages de la dépendance, aux réseaux sociaux, aux jeux-vidéos, aux autres.

Au fil des pages, Samuel, le héros, va être confronté à chacune de ces idiosyncrasies qui ont façonné les États-Unis – qui les façonnent encore aujourd’hui. Sa mère l’ayant abandonné petit, agresse un Donald Trump en devenir, revenant ainsi hanter les pensées de son écrivain raté de fils. Celui-ci décide alors, sur les conseils de son éditeur, d’écrire l’histoire de cette rebelle dont il ne connaît plus rien. Cela lui permettrait d’honorer un contrat vieux de plusieurs décennies, resté lettre morte jusqu’alors, symptôme de la page blanche. Tous ces faits, tous ces personnages semblent invariablement converger vers cette « Calamity Packer », la génitrice de Samuel. Peut-être existe-t-il une relation plus profonde unissant chacun de ces fils qui tissent une toile d’araignée complexe. Le lecteur se perd avec délice ; le suspense, magistralement mené, empêche de reposer Les fantômes du vieux pays, roman dont l’intrigue ne se dénoue que dans les derniers chapitres.

Quelques longueurs sont cependant à noter dans le schéma narratif, vite rattrapées par certaines pages d’une réalité confondante. Les paragraphes retraçant le passé marginal de la mère de Samuel sont certainement les plus aboutis du livre. Nathan Hill, après l’avoir accentuée à l’extrême, parvient à soigneusement transformer cette marginalité en norme, à la couler dans le moule de l’entourage universitaire de « Calamity Packer ».

Les fantômes du vieux pays est difficile à pénétrer, parfois hermétique et revêche : il se mérite, mais une fois apprivoisé, la découverte n’en est que plus jouissive.

3 réflexions sur “Un roman ambitieux (Les fantômes du vieux pays, Nathan Hill)

  1. Ping : Paradise, Nevada, Dario Diofebi – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

  2. Ping : L’Arbre-Monde, Richard Powers – Pamolico, critiques romans, cinéma, séries

  3. Martin Laré

    Les fantômes du vieux pays est un roman que j’ai moi même beaucoup aimé, qui présente effectivement une lecture croisée de l’Amérique actuelle et passée à travers les histoires des personnages. L’écriture est parfois hardue comme le souligne cette critique, et il est parfois facile de décrocher si on manque de concentration. C’est malgré tout un très bon livre.

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