L’imposture, Zadie Smith

Dans L’imposture, Zadie Smith convoque d’illustres auteurs de l’Angleterre victorienne et crée ainsi une toile de fond ornée de portraits chatoyants qui forment une foule hétéroclite. En apparence, se situe au cœur de cette biographie romancée foisonnante William Ainsworth, un homme de lettres contemporain et ami de Charles Dickens, contemporain et ennemi de William Thackeray, père de quatre filles et époux de deux femmes – bien qu’une troisième occupe une place plus importante encore dans son existence et dans ce livre. En effet, Eliza Touchet, sa cousine, vit avec lui pendant des années, encore davantage ici que dans la réalité. C’est elle qui insuffle son énergie à L’imposture en raison de son caractère farouche et sa constance austère mais attachante. Grâce à cette héroïne, ce roman historique oscille entre modernité et accents volontairement datés, ce qui lui donne une certaine saveur. Féministe avant l’heure, abolitionniste et lettrée frustrée par les carcans sociaux d’alors, ce personnage plein de nuances et de verve concentre l’attention de Zadie Smith qui en fait donc la porte d’entrée sur une autre époque et sur tous les sujets sociétaux qui l’agitent. Aussi dense que ses romans précédents, L’imposture suit une chronologie non-linéaire qui donne du rythme à l’ensemble quoiqu’elle complique parfois le déroulement des faits et brouille les multiples inimitiés de William.

Le procès Tichborne, où comparaissent des serviteurs noirs descendants d’esclaves, des potentiels imposteurs et toute une kyrielle d’intervenants pétulants, passionne les foules pendant des années, et ce dès son début en 1871. Grâce à cette affaire dont, en filigrane, l’autrice britannico-jamaïcaine livre une chronique, elle évoque longuement l’esclavage en Jamaïque, dédiant toute une partie de son roman – sans doute la plus puissante, à l’histoire de l’un des témoins qui fascine Eliza.

Fresque soignée et vivante peuplée de personnages marquants, L’imposture offre ainsi une immersion dans un autre siècle et un autre lieu, faisant intelligemment entrer en résonance les luttes de plusieurs minorités – les femmes, les pauvres et les Noirs. 

Crédits photo : Le tableau représenté en bas à gauche est « Two Children with a Book » (1831) d’Emma Soyer, une toile mentionnée dans le livre

Merci à Gallimard pour cette lecture.

Zadie Smith – L’imposture
[The Fraud – traduit par Laetitia Devaux]
Gallimard
16 mai 2024
544 pages
24,50 euros

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11 réflexions sur “L’imposture, Zadie Smith

  1. Anonyme

    J’ai lu le premier roman de Zadie Smith, qui ne m’avait pas particulièrement frappée. Les années ont passé, ce serait intéressant que je lise un autre titre pour voir si je serais plus convaincue.

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    1. Ses relations sont assez changeantes. Je ne dirais pas qu’il a beaucoup d’inimitiés pour autant, mais puisqu’elles ne sont pas le cœur du livre, elles sont mentionnées de manière sporadique : quand un nom réapparaît, on a donc besoin de quelques instants pour resituer ce qui a posé problème avec cette personne-ci en particulier.

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