Expats, Lulu Wang

Les six épisodes de cette ample série de Lulu Wang – à qui l’on doit L’adieu, long-métrage qui évoquait avec tendresse la bi-culturalité– ont été tournés à Hong Kong, entre foule tumultueuse, bruyante, et intérieurs modernes et immaculés, parfois silencieux. Les plans suivent cette ambivalence, entre fourmillement agité et calme contemplatif.

Margaret, Hillary et Mercy sont les trois femmes qui concentrent l’attention du scénario – toutes trois sont des Américaines expatriées. Les deux premières sont amies, mariées aux hommes qu’elles ont suivis en Asie. La troisième a vingt-cinq ans et fuit une mère envahissante. Au-delà du déracinement qui les lie, abordé de différente manière pour chacune – Hillary est d’origine indienne et vivait à Los Angeles avant d’arriver à Hong Kong, Mercy est d’ascendance coréenne, tandis que Margaret ne connaît que la culture américaine –, elles ont une relation particulière aux enfants et à la maternité, sujet qui se révèle être le véritable fil conducteur d’Expats. Margaret a deux fils et une fille, mais Gus, le plus jeune, a disparu peu auparavant, drame qui a laissé la famille exsangue et dévastée. Hillary, elle, ne veut pas d’enfant, mais subit la pression de ceux qui l’entourent et se croient invités à donner leur avis sur ce choix intime qui leur appartient, à elle et à son époux, moins catégorique qu’elle. Enfin, Mercy sait s’y prendre avec les plus petits. Sa spontanéité de jeune adulte à peine sortie de l’adolescence l’aide à savoir leur parler et à se mettre à leur hauteur, jusqu’à…

Avec beaucoup de subtilité, Lulu Wang se glisse dans le quotidien luxueux et épuré de Hillary et de Margaret, dans les journées plus authentiques et sordides de Mercy, croisant les perspectives avec astuce – retenons d’ailleurs le face-à-face en chassé-croisé de la dernière partie, représentatif de l’intelligence de l’architecture narrative. La réalisatrice laisse ainsi le suspense et le mal-être de chacune des héroïnes, ainsi que de leurs pendants masculins, sourdre des images qu’elle filme, quoique de manière diverse en fonction de celle sur laquelle se centre la caméra. Ces nuances doivent aussi beaucoup aux trois actrices qui portent Expats – Nicole Kidman incarne une nouvelle fois une mère aux confins de la folie, entre justesse et excès, quand Sarayu Blue distille une ironie délicate dans les psychoses de Hillary. La jeune Ji-young Yoo apporte, elle, sa présence mystérieuse et mélancolique à la réalisation, soulignant les paradoxes de la vie hongkongaise, l’atmosphère magnétique et inquiétante de la ville.

L’avant-dernier épisode fait quant à lui la part belle à ces « bonnes » philippines qui suivent partout les plus aisés des expatriés, aide indispensable et précieuse qui restait jusque-là fidèlement dans les recoins de l’écran, mais aussi aux étudiants qui manifestent pendant la révolution des parapluies. « Quartier central » est ainsi à part dans le fil de la série : il se distingue en montrant à quel point les riches expatriées dont Lulu Wang nous dévoile le quotidien sont déconnectées de la vie hongkongaise, de la réalité sociale et politique qui se joue derrière leurs baies vitrées au fabuleux panorama urbain. Il confirme ainsi la portée de cette minisérie, littéraire dans sa construction soignée et ample – après tout, il s’agit d’une adaptation du roman The Expatriates de Janice Y.K. Lee.

De : Lulu Wang
Avec : Nicole Kidman, Sarayu Blue, Ji-young Yoo
Année : 2024
Nombre d’épisodes : 6
Durée moyenne : 60 minutes
A voir sur Amazon Prime Video

Ils/elles en parlent aussi : Sea you soon.

 

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