Très chers amis, Gary Shteyngart

Comme La Cerisaie d’Anton Tchekhov qui lui sert de discret fil conducteur, Très chers amis de Gary Shteyngart est divisé en quatre actes qui tous se déroulent dans les bungalows du héros, Sacha. D’origine russe, comme Macha, son épouse, il s’est entouré dès ses années de fac de compagnons de route aux accents chantants, de Karen et d’Ed, tous deux coréens, et de Vinod, indien. Désormais, ils sont réunis pour fuir la ville mise sous cloche par la pandémie, et doivent cohabiter, laisser les sentiments se cristalliser, les alliances se nouer et se dénouer, tandis que les maladies d’amour et les autres malmènent le fragile équilibre atteint par cette drôle de troupe. La vie commune n’est pas de tout repos, d’autant que les mœurs de chacun ne se marient pas toujours à celles de leur voisin et que la présence de l’Acteur et que celle de Dee, une ancienne élève de Sacha, bouleversent les relations de longue date. Entre les corps de sept adultes se faufile une enfant adoptée et précoce dont le ton n’est pas toujours juste mais qui permet à l’auteur d’unir ses protagonistes – ou peut-être de les désunir, en fonction des pages. Les rancœurs enflent autant que l’amour et les regrets tandis que chacun focalise tour à tour, Gary Shteyngart prenant un malin plaisir à laisser la parole à chacun de ses confinés volontaires, à leurs pensées et à leurs fantasmes qui contredisent parfois ceux des autres avec beaucoup d’ironie.

L’auteur américain écrit ainsi le roman du confinement, mais aussi celui des immigrés incompris, de la violence constante aux États-Unis, verbale et physique, réfrénée et extériorisée. Il s’attaque au sujet de l’identité, évoque la difficulté à trouver sa place, au racisme subi et exercé, à la vie publique se heurtant à la vie privée, aux réseaux sociaux venant parasiter la réalité et la déformer, anamorphose du Voyant d’Étampes d’Abel Quentin. Gary Shteyngart s’inspire donc du théâtre pour construire Très chers amis, mais aussi pour mener sa narration tambour battant, les répliques des personnages ayant bien souvent une importance capitale.

Merci aux éditions de l’Olivier pour cette lecture.

Gary Shteyngart – Très chers amis
L’Olivier
5 janvier 2024 (rentrée littéraire d’hiver 2024)
379 pages
24 euros

9 réflexions sur “Très chers amis, Gary Shteyngart

    1. Hello ! J’ai vu l’intérêt et tout ce que l’auteur encapsule de la société américaine (et c’est assez impressionnant je trouve), je me suis parfois amusée de certains dialogues, mais ce n’est pas un roman que j’ai pris un plaisir sans non à lire pour autant 😉 reviens me dire !

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