Loin de la plume fulgurante et novatrice de L’amant, le style d’Un barrage contre le Pacifique a quelque chose de sage et de classique, une sécheresse réaliste qui rappelle les romans de la fin du XIXème siècle. La mère qui ne sera jamais désignée d’une autre manière vit avec Suzanne et Joseph en Indochine, sur une concession qui ne leur appartient pas et qui n’est pas cultivable – le Pacifique l’inonde dès la saison des pluies et la terre est si salée que le riz ne pousse pas. Les deux enfants rêvent de s’échapper loin d’elle et de ses crises, fantasme la grande ville et les cinémas, révélation du milieu du roman qui cueille le lecteur et traduit l’amour de Marguerite Duras pour les pellicules et les grands écrans.
Au-delà de ces passages pleins de sensibilité qui racontent les salles obscures et les pensées qu’elles couvent et laissent naître chez les protagonistes, le roman est confiné dans cette concession, une vaste prison qui enferme les héros autant que le livre. Comme dans L’amant, l’adolescente se frotte aux mécanismes de la colonisation. Comme dans L’amant, la relation entre le frère et la sœur est complexe, faite d’idolâtrie et de rejet, d’affection et de ressentiment. Comme dans L’amant, la mère est invivable, pénible et son amour s’est tari. Elle se bat contre des moulins, se démène face au vent, perdant son énergie dans une lutte vaine et sans fin alors que ses enfants ont perdu la foi dès leur arrivée sur ce sol étranger. Le seul espoir restant, c’est Suzanne et sa virginité, Suzanne et ses taches de rousseur, son corps frêle et son cœur à prendre. Il faut la vendre au plus offrant, presser la moindre pièce restant aux prétendants, le phonographe et la bague en diamant, les vernis et la voiture qui miroite à l’horizon. Le lecteur observe avec un certain dégoût mâtiné de lassitude ces personnages qui se démènent ou attendent placidement, toujours ballottés par le Pacifique qu’aucun barrage ne peut retenir.
De la même autrice sur Pamolico : L’amant
Marguerite Duras – Un barrage contre le Pacifique
Folio
1978 (date de publication originale : 1950)
384 pages
7,50 euros
Ils/elles en parlent aussi : Tu vas t’abimer les yeux. Art de lire. Doucettement. À l’horizon des mots. Mes échappées livresques. Tomtomlatomate
Je me souviens l’avoir aimé il y a presque quinze ans (même si L’Amant a toujours été mon préféré), j’aimerais beaucoup le relire pour me rafraîchir la mémoire.
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai été déçue mais peut-être qu’une seconde lecture me permettrait de davantage l’apprécier.
J’aimeAimé par 1 personne
Après c’est normal de ne pas tout aimer, notamment chez une autrice qui a écrit dans des styles très différents. Personnellement, je n’avais pas adhéré du tout à Moderato Cantabile.
J’aimeAimé par 1 personne
Il faut que je me penche sur la question !
J’aimeAimé par 1 personne
Un texte que j’avais beaucoup aimé et trouvé très fort.
J’aimeAimé par 1 personne
Je crois que je suis passée à côté…
J’aimeAimé par 1 personne
J ai adoré et relu plusieurs fois
J’aimeAimé par 1 personne
Peut-être faut-il effectivement le relire… moi j’ai été déçue.
J’aimeJ’aime
Bah chacun son avis ! C est normal
J’aimeAimé par 1 personne
C est une dénonciation du colonialisme. Il faut prêter attention aux paysans anamites et à la cruauté de la colonisation la mère en est aussi une victime. J ai beaucoup aimé le film et le livre
J’aimeJ’aime
Oui bien sûr, il n’empêche, j’ai trouvé le rythme très lent et la plume trop classique.
J’aimeJ’aime
Mon premier contact avec l’univers de Duras, j’avais beaucoup aimé.
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai commencé par L’amant et je m’attendais naïvement à retrouver la même plume qui m’avait subjuguée, alors qu’Un barrage contre le Pacifique a été écrit trente ans plus tôt…
J’aimeAimé par 1 personne
Pour mes études, j’ai lu Le Ravissement de Lol V. Stein qui m’a rebutée d’abord mais que j’ai fini par comprendre et aimer, très très différent d’Un barrage et de L’Amant. C’est une écrivaine en constante mutation, cette femme.
J’aimeAimé par 1 personne
Je pense que tu as bien résumé ce pourquoi j’ai été si surprise : je n’ai pas reconnu l’autrice de L’amant dans le style de ce livre (et c’est bien normal, à trente ans d’écart, je n’avais pas regardé la date).
Peut-être continuerais-je ma découverte avec Lol V. Stein.
J’aimeJ’aime
J’ai eu du mal à le lire , j’ai préféré l’Amant, tout aussi immoral…
J’aimeAimé par 1 personne
Et je suis dans le même cas…
J’aimeJ’aime