Bass Rock, Evie Wyld

Dans l’ombre de Bass Rock s’élève une bâtisse froide, austère, lugubre. Des femmes ont vécu là ; elles y ont été malheureuses, violées, elles y ont accouchée, elles y sont mortes. Evie Wyld met en scène trois d’entre elles, à trois époques différentes. Viviane, quarantenaire londonienne un peu perdue dans sa vie, artiste lassée et bohème, doit vider la maison de Bass Rock avant qu’elle ne soit vendue. Les souvenirs de sa grand-mère, Ruth, la hantent, flottent dans chaque pièce, portés par les grains de poussière qui volent dans la lumière marine. La troisième est une fille rousse au destin tragique, sorcière à la peau porcelaine. Enfin, malgré ce que rapporte le résumé de l’éditeur, une quatrième ombre est présente en filigrane, multiple – son nom est tu, égérie qu’elle est (qu’elles sont) de ces victimes maltraitées au cours des siècles, servante abusée, torturée.

Si Bass Rock est imprégné d’une véritable atmosphère aux couleurs poudrées, surannées, si Evie Wyld crée un roman engagé et certains personnages féminins forts et marquants – à défaut d’être attachants –, ce livre souffre d’un manque d’homogénéité et peut-être d’un mystère trop prégnant. Les trois focalisations deviennent bientôt quatre voix, deux époques se mêlant sans que le lecteur ne comprenne tout à fait la volonté de l’autrice. Toutes les protagonistes n’ont pas la même importance et sans doute est-ce là le plus gros défaut de ce récit. Les phrases sont assez courtes, simplement construites et le style suppose une lecture lente qui permet à l’ambiance de se déployer et d’envelopper les héroïnes, de les nimber d’embruns. Le vent marin gifle deux de ces femmes, la troisième étant perdue en forêt, égarée dans ces pages sans avoir vraiment gagné le droit d’y résider. Ainsi, malgré des maladresses et des éléments dont Evie Wyld aurait pu faire l’économie, Bass Rock reste un livre prenant et dépaysant, ancré dans une Ecosse mélancolique aux relents de sorcellerie, un roman d’atmosphère qui oscille entre histoires victoriennes et romantiques.

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Evie Wyld – Bass Rock
[The Bass Rock – traduit par Mireille Vignol]
Actes Sud
5 janvier 2022 (rentrée littéraire d’hiver 2022)
336 pages
22,50 euros

Elle en parle aussi : Good books good friends. En lisant en écrivant

9 réflexions sur “Bass Rock, Evie Wyld

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    1. C’est clairement l’atmosphère qui fait le roman. Les femmes fortes qu’il dépeint n’ont pas toute la même place dans la narration, ce qui est regrettable. Comme je le disais à Ève, la troisième et la quatrième voix sont confuses, peut-être de trop tant elles sont marginales ici.

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    1. J’ai regretté un certain manque de cohérence narrative. Enfin disons que la troisième femme a une place vraiment secondaire et n’est presque pas légitime dans ce récit. Quant à la quatrième voix, elle est très confuse, sûrement multiple sans que ce soit clair… mais l’ambiance est assez envoûtante 🙂

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