Maman, je t’adore, William Saroyan

Maman, je t’adore est un bref roman aussi pétillant que la couverture de sa traduction inédite, jaune soleil, jaune néon de Broadway. Cette douceur acidulée tient beaucoup à la jeunesse de la narratrice de William Saroyan. À neuf ans, elle aime danser, rêver, marcher dans Coney Island, admirer ses glaces et ses pommes d’amour ; elle chérit les souvenirs de Papa Boy et de son frère, enfuis à Paris, et surtout, elle adore sa mère. Celle qu’elle appelle Mama Girl veut devenir comédienne : le roman à peine ouvert, elle part à New York, la main de sa fille dans la sienne. Le soleil californien est bientôt éclipsé par les lumières fantasmées de Broadway tandis que les deux héroïnes séjournent dans un cagibi d’hôtel de luxe, croisant metteurs en scène et grande actrice, amie de longue date et médecins étranges. De rencontre en rencontre, d’instantané en instantané, elles se rapprochent des coulisses qui font briller les yeux de Mama Girl. Son enfant, sa « Petite Grenouille », son « Étoile », fait taire ses désirs pour épouser les siens. Elle étouffe le manque de son père et de son frère sous ses risettes joyeuses et ses pas de deux enjoués pour tuer la tristesse anxieuse de Mama Girl.

Dans une sorte de mise en abyme inversée, ce roman de 1956, moderne, est très théâtral du fait de ses dialogues staccato. Les réparties courtes et vives en font un livre vitaminé et tendre. Malgré tout, la belle relation mère-fille au cœur de Maman, je t’adore, ces liens fusionnels entre les deux protagonistes, n’empêchent pas William Saroyan d’effleurer certains sujets tabous, dont les violences maritales, la douleur d’une séparation et ses répercussions sur les enfants, la tendance de ces derniers à effacer leur personnalité et leurs rêves pour coller à ceux de leurs parents. De façon ambivalente, il crée également des personnages représentant une féminité non-conventionnelle alors que les années 1950 sont celles des femmes à la maison : ses héroïnes sont davantage que des mères ou des épouses, même si, en parallèle, l’auteur les lie souvent à une certaine forme de folie ou de nostalgie dépressive.

William Saroyan – Maman, je t’adore
Zulma
Avril 2016 (première édition : 1956)
240 pages
10,95 euros

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