Viper’s Dream, Jake Lamar

Dans ce roman adapté d’une fiction réalisée par Laurence Courtois pour France Culture, Jake Lamar relate la vie de Clyde Morton, celui qui aurait fourni en marijuana le tout Harlem du siècle dernier, entre 1930 et 1960. Arrivé du Sud, idéaliste et rêveur, le jeune Afro-Américain déchante bien vite, n’arrachant apparemment que des notes hasardeuses de la trompette de son père, lynché des années plus tôt. Sa première rencontre est la bonne ; Pork Chop lui ferme les portes de la scène mais lui ouvre celles des dessous du jazz, celles qui le conduiront à sa vie de gangster, à Yolanda et à ses Cadillac. Comme tous les artistes d’alors, Clyde se met bien vite à fumer, devenant par là-même une vipère sifflant à chaque bouffée – ce premier amour le mène peu à peu à dealer sans jamais toucher à la poudre qu’il craint et exècre autant que les traitres.

Dans Viper’s Dream, Jake Lamar recrée le Harlem d’hier, les clubs de jazz fourmillant de bruits et de beau monde, les trafics en tout genre. Il donne aussi à voir l’évolution de ce quartier transformé par la gentrification et celle de la musique qui fait vibrer ses pavés, du jazz au be-bop bientôt effacés par le rock et Little Richard. Pourtant, c’est bien Clyde le héros, celui qui gravit les échelons, magouille et réussit, côtoyant des jazzmen fictifs et réels, le fantôme drogué de Charlie Parker planant sur presque tous ceux qu’il croise. Son cœur appartient à Yolanda, drame de cet homme à qui tout sourit, ou presque comme le souligne la construction. L’auteur s’attarde, en alternance, sur ce qui pourrait être la soirée finale de Viper, en 1961, mais raconte surtout son ascension fulgurante se transformant en règne machiavélien. En dépit de quelques expressions répétitives et d’une étrange manière d’introduire les changements temporels, ce roman noir est efficace et rythmé, tenant beaucoup à la toile de fond new-yorkaise sans doute plus immersive que celle imaginée par Colson Whitehead dans Harlem Shuffle.

Jake Lamar – Viper’s Dream
[Viper’s Dream – traduit par Catherine Richard-Mas]
Rivages noir
Mai 2023
250 pages
9 euros

Ils/elles en parlent aussi : Le blog USA de Dom. Boojum. Black novel1. Culture vsnews. Actu du noir. Ju lit les mots. En lisant, en écrivant. Bro blog black. Terre du noir. Passion polar. Totaly brune. From Richmond to Tacoma

7 réflexions sur “Viper’s Dream, Jake Lamar

Laisser un commentaire