Colson Whitehead, double lauréat du Prix Pulitzer, quitte l’engagement qui était le sien dans Underground Railroad et Nickel Boys, délaisse les émotions pour plonger son lecteur dans le Harlem des années 1960, celui des émeutes raciales et des magouilles. Raymond Carney, le héros de ce roman, possède un magasin de meubles mais c’est aussi un « fourgue » de choix pour les voyous du quartier. Peu à peu, son nom court sur les lèvres des pires d’entre eux et il est embarqué dans des histoires tordues de ventes, de reventes, de revanche, de braquage et de cambriolage. L’action est malgré tout discrète, se fondant dans les discours, les récits à l’imparfait et les parties de cache-cache la peur au ventre. Les petits bandits pullulent autour de Carney, oscillent entre lie de la société et hautes sphères flirtant avec la corruption, ombres chinoises qui menacent de s’incarner en ne le faisant que rarement.
Scindé en trois parties, Harlem Shuffle se concentre sur trois affaires qui marquent l’entrée de Carney dans l’illégalité et ses premiers pas de danse hésitants aux côtés de la pègre locale. Cette construction fragmente le livre, ce qui explique sans doute son côté désuni et, finalement, assez superficiel. Le voyage dans les bas-fonds noirs de New York est réussi, l’atmosphère imprègne peu à peu les pages – même si la lutte pour les droits civiques est peut-être trop discrète ici pour faire date –, mais les héros manquent de corps, et surtout de cœur. Certes, Raymond a une famille qu’il aime profondément, une femme et deux enfants, ainsi qu’un cousin peu recommandable qu’il essaie de protéger, cependant ses atermoiements passent après les intrigues dans lesquelles il se fourre plus ou moins malgré lui.
Le style de Colson Whitehead s’adapte à ses romans, protéiforme et presque évolutif. Après les métaphores relevant du conte dans Underground Railroad, la simplicité distante, désentimentalisant l’horreur de Nickel Boys, il embrasse cette fois une langue imagée et familière, représentative du milieu dans lequel il s’immerge, un passé à la fois noir et coloré.
Merci à Albin Michel qui en contribuant à enrichir aVoir aLire a également contribué à enrichir Pamolico.
Colson Whitehead – Harlem Shuffle
[Harlem Shuffle – traduit par Charles Recoursé]
Albin Michel (Terres d’Amérique)
4 janvier 2023 (rentrée littéraire d’hiver 2023)
432 pages
22,90 euros
Ils/elles en parlent aussi : La culture dans tous ses états. Dealer de lignes. Ma bibli ô livres. Tu l’as lu ?. Cannibal lecteur. Sur la route de Jostein. Black novel1. La livrophage. The unamed bookshelf
Salut Céciloule,
Merci pour cette critique.
Je suis dans l’ensemble plutôt d’accord avec toi sur le fond (manque d’attache au personnage, on survole trois « histoires » sans aller vraiment en profondeur).
Selon moi, cette décision de l’auteur de ne pas trop entrer dans les détails personnels du personnage relève de « l’anonymisation » de son identité. Raymond est un fourgue qui se fait discret à Harlem et le lecteur suit donc l’histoire d’une personne « lambda » dans Harlem qui essaie de s’en sortir.
J’aime beaucoup et je trouve que c’est une plume différente par rapport à celle de Nickel Boys. Il change un peu son style 🙂
A bientôt !
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Hello Maxime,
Effectivement c’est une théorie qui se défend et qui rend l’œuvre un peu plus parlante. Merci 🙂
Je crois qu’Outre Atlantique, Colson Whitehead est célèbre pour sa plume changeante, sa capacité à passer sans mal d’un style à l’autre et même d’un genre à l’autre (il a même écrit une histoire de zombies il me semble).
À bientôt !
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J’ai préféré son précédent roman mais ce premier tome d’une future trilogie est brillant, surtout dans sa seconde partie. Le personnage principal pourrait presque être dans un film de Woody Allen dans le style second couteau. 😉
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Ce n’est pas du tout mon ressenti mais tu n’es pas le seul à avoir cette approche 🙂
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Dernièrement, j’ai lu Ungerground Railroad. Je m’attendais à un coup de coeur et à ma grande surprise, j’ai été déçue. 😞
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Je ne me souviens pas avoir vu ton retour, je vais aller chercher 😉
Ce qui m’avait surprise, c’est cette distance émotionnelle qu’instaure l’auteur mais qui, au final, renforce l’horreur. Peut-être est-ce ce qui t’a gênée ?
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Coucou. Je l’ai lu, pendant les fêtes, et je n’ai pas écrit de chronique.😉 J’ai préféré me consacrer à mes coups de cœur et aux services presse.😀
Je crois que ce qui m’a perdue, ce sont les aller-retours entre les différents sujets. Chaque fois qu’une situation accrochait mon attention, l’auteur basculait sur une autre.
Bisous 😘
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Coucou,
Effectivement, je comprends la démarche 😉
Je n’ai pas été gênée par ça mais chaque lecteur est différent… comme les livres de Colson Whitehead. Je te conseille quand même Nickel Boys, plus linéaire. Je pense qu’il te plairait beaucoup 😘
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Nickel Boys est justement dans ma pal. 😀Je pense le lire avant cet été. Il est possible, effectivement, qu’il me plaise plus.😀😘
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Je vais surveiller ça attentivement alors 😉
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🥰😘
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Celui-ci il est déjà noté, j’ai tellement aimé ses précédents !
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Une déception pour ma part…
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ça arrive, je verrai lorsque je le lirai…
A suivre donc 🙂
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À suivre, en effet !
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🙂
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