Seule en sa demeure, Cécile Coulon

Seule en sa demeure, ingénue gothique

Cécile Coulon déploie ici toute une toile de métaphores pour mieux emprisonner Aimée et son entourage dans ces fils collants de secrets. L’héroïne est une jeune femme frêle et silencieuse, nouvellement épouse de Candre, un homme froid mais attentionné, homme de Dieu et de marbre, de parole malgré ce qu’il semble dissimuler. Il disparaît dans la journée, laissant Aimée presque seule en sa demeure, discrètement hantée par Henria, la domestique, et Angelin, son fils. Comme dans ces romans gothiques, de Dracula de Stoker au Moine de Matthew Lewis, l’héroïne est une ingénue timide qui tente de comprendre où elle a atterri, les mystères qui régissent la demeure magistrale, souvent château, où leur nouveau maître les accueille jusqu’à les faire captives… Le domaine des Marchère est entouré de bois, de pins sombres dont l’odeur résineuse et entêtante imprègne la bâtisse et l’esprit de ses habitants. La Forêt d’Or est autant un paradis mystérieux qu’une prison où les non-dits apparaissent dans toute leur complexité alors qu’une nouvelle âme s’invite dans la maison, Emeline, professeure de flûte chargée de divertir Aimée et de la rendre heureuse, de l’aider à ouvrir son corps à celui de son mari.

Un roman entre modernité et classicisme

L’auteure revisite ainsi le genre gothique du XIXème siècle, sur lequel planent l’ombre du « vilain » et celle de la nature sublime face à laquelle l’homme n’est rien. Peu à peu, le rythme du lent récit des débuts s’accélère grâce à une judicieuse alternance narrative qui vient donner davantage de corps à ces secrets qui planent dans l’air. Ainsi, l’écriture de Cécile Coulon préfère finalement la modernité au classicisme des premières pages, mais, de tout temps, elle embrasse les us de l’époque, se pare d’une patine désuète, lustrée par les années et par les échos qui jalonnent ces pages. Entre assonances et allitérations, Cécile Coulon tisse un véritable réseau de sons qui, appuyés de ces comparaisons poétiques rapprochant homme et animal, homme et vie sauvage, ravissent Aimée mais aussi l’attention du lecteur qui peine à s’abandonner à un tel texte, pris entre le suspense naissant, la beauté des mots et des images qui en éclosent, mais aussi empêché par les bois, retenu par cette muraille infranchissable qui enclot une ambiance à la fois classique et étonnante, « familière étrangeté ».

Merci aux Éditions L’Iconoclaste pour cette lecture.

Cécile Coulon – Seule en sa demeure
L’Iconoclaste
19 août 2021 (rentrée littéraire 2021)
333 pages

19 euros

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21 réflexions sur “Seule en sa demeure, Cécile Coulon

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  3. j’ai beaucoup aimé « Trois saisons d’orage » et aussi « Le cœur du pélican » mais pas été tentée par le suivant…
    peut-être que ta chronique me donnera envie de renouer avec la plume de Cécile Coulon….
    Je l’ai rencontrée quand elle est venue présenter « Trois saisons… et elle m’a vraiment impressionnée…elle est brillante, elle avait un projet de jeu vidéo basé sur l’Odyssée je ne sais pas si cela a marché

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    1. Je n’avais jamais lu de romans d’elle et j’avoue que celui-ci m’a impressionnée. Brillante, la plume l’est, en effet, même si l’histoire est sans doute un cran en-dessous du style. L’ensemble reste malgré tout un bon roman, une revisite réussie du gothique.
      Je ne sais pas du tout, il faudrait que je me renseigne ! L’idée est engageante en tour cas, même si je ne suis pas très jeux vidéo.

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    1. Merci ! Je n’avais jamais lu de romans d’elle auparavant, mais je pense qu’elle a fait évoluer son style ici pour s’accorder avec le genre gothique et l’époque victorienne – ce qui donne un récit chantant et de belles sonorités qui font passer outre le manque de profondeur des personnages (après tout, ils correspondent à des codes déjà bien définis).

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