Billy Wilder et moi, Jonathan Coe

Jonathan Coe et son amour du cinéma

Comme dans sa trilogie si délicieusement anglaise, Jonathan Coe parvient ici à mêler tendresse et réflexion acerbe sur la vie. L’auteur britannique a déjà signé plusieurs biographies d’acteurs aussi connus que James Stewart et Humphrey Bogart, et il offre ici un écrin romanesque à son amour pour le cinémaBilly Wilder et moi ou le récit touchant de l’été 1977 de Calista, adulescente grecque fictive qui croisa par hasard le chemin de ce réalisateur autrichien à qui l’on doit notamment Boulevard du crépuscule, Certains l’aiment chaud et, moins célèbre, Fedora. Fedora sans qui ce livre n’existerait pas. Assistante d’Iz Diamond, ami et scénariste fidèle du réalisateur, la jeune mélomane découvre un monde dont elle ne savait rien, observe le tournage avec une lassitude subjuguée, et écoute. Elle se nourrit des aphorismes wilderiens pleins d’esprit – le sage prend du recul sur sa carrière et sur sa vie, déjà loin de ses succès, sur la pente doucement descendante après la fulgurance des débuts, disparaissant lentement dans l’ombre des « jeunes réalisateurs à barbe », Spielberg et Scorsese moqués avec une pointe d’envie.

Billy Wilder et moi, entre douceur et amertume

Entre fiction et réalité, Coe flâne, crée une toile de fond ciselée pour y faire évoluer ses personnages, de Los Angeles à Athènes, en passant par Corfou, Londres, Paris et Munich. Les pérégrinations des héros, au fil du tournage de Fedora donnent le la à Billy Wilder et moi, divisé en trois parties, chacune culminant en un repas – la rencontre au Bistro, un restaurant chic californien, le dîner réunissant Calista et le Dr Rósza puis, finalement, la dernière entrevue entre la narratrice et le cinéaste, cène au goût doux-amer de regret et de trop-tôt. Ces scènes permettent à l’auteur de jouer avec sa narration, discret système de matriochkas, anecdotes devenant analepses, scénario apocryphe, souvenirs de souvenirs.

Jonathan Coe signe une œuvre intelligente, hommage et roman d’apprentissage. Son livre est certes une jolie réussite mais il demeure moins intimiste que ses Enfants de Longbridge. Quant à son humour à la saveur douce-amère, il s’attarde trop peu sur nos papilles. Toujours est-il qu’il salue avec grâce une époque et un homme marquant et marqué par la Seconde Guerre Mondiale en fusionnant lettres, scénario filmique et récit à la première personne par la délicieuse et attachante Calista, désormais cinquantenaire et mère, entraînée par le tourbillon nostalgique de ses souvenirs.

Merci aux éditions Gallimard pour cette lecture aux accents d’hier et de soleil grec. En contribuant à enrichir aVoir-aLire, elles ont également contribué à enrichir Pamolico.

Jonathan Coe – Billy Wilder et moi
[Mr Wilder and Me – traduit par Marguerite Capelle]
Gallimard
8 avril 2021
304 pages
22 euros

Ils/elles en parlent aussi : La revanche du film. La bibliothèque de Céline. Le spicilège. Les humeurs de Catherine. Cannibales lecteurs. Plaisirs à cultiver. Worldcinecat. La flibuste des rêveurs. Manon lit aussi. Bibliobad. Aleslire. Vagabondage autour de soi. Sur la route de Jostein. Tu vas t’abimer les yeux. Papivore. Le petit caillou dans la chaussure. Les yeux dans les livres. Lettres exprès. Dealer de lignes. Christlbouquine

33 réflexions sur “Billy Wilder et moi, Jonathan Coe

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    1. Oui, le sujet est intéressant et j’ai appris beaucoup sur un réalisateur que je ne connaissais que de nom.
      Je n’ai lu que sa trilogie et celui-ci : j’ai indubitablement préféré Les enfants de Longbridge et si chaque tome peut être lu indépendamment je trouve cela dommage malgré tout de scinder l’histoire donc je te conseillerais le premier, à savoir Bienvenue au club 🙂 J’ai vu de très bons retours sur Testament à l’anglaise qui, paraît-il, serait son meilleur donc je te laisse choisir !

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