L’amour abstrait (Celle que vous croyez, Safy Nebbou)

Celle que vous croyez délivre un message très intéressant sur la société d’aujourd’hui. Perdus dans nos écrans, ne manquons-nous pas l’essentiel, pourtant à portée de main ? Ne nous abritons-nous pas trop derrière notre identité virtuelle ?

Claire (Juliette Binoche) a une petite cinquantaine, elle vient d’être abandonnée par Ludo qui n’est pas intéressé par une relation sérieuse avec une femme de son âge, et elle est divorcée depuis quelques temps de son mari qui l’a quittée pour une plus jeune qu’elle. Pour piéger Ludo, elle s’inscrit sur Facebook sous un autre nom, et elle devient Clara, vingt-cinq ans… c’était sans prévoir qu’elle s’enticherait du colloc’ de son ex, Alex (François Civil), lui aussi bien épris, mais d’une autre. Quand il pense à elle, c’est l’image d’une fille de vingt ans qui émerge dans sa tête, quand il s’imagine avec elle, c’est le corps d’une jeune femme qu’il fantasme, quand il lui parle au téléphone il trouve que sa voix fait plus jeune encore.

Celle que vous croyez est filmé un peu à la façon d’une œuvre d’art, au début du moins, lors des premiers échanges, de la dégringolade – puisque l’on parle bien de tomber amoureux. Beaucoup de scènes se passent de nuit, ce qui permet à la lumière bleue des écrans de s’inscrire partout. Pas mal de jeux de reflets sont également créés, tant dans les lunettes de l’héroïne que dans les glaces, les miroirs, les fenêtres. Cela donne l’impression d’évoluer dans une autre dimension, donne l’impression que Facebook – icône et univers bleus, je le rappelle, s’est emparé de la vie de Claire et qu’elle ne vit plus dans le réel mais dans une sorte de monde parallèle, qu’elle a été happée par le réseau.

La réalisation se construit autour de souvenirs que Claire raconte à Nicole Garcia, sa nouvelle psy. Ensuite, elle nous emmènera à travers ses « vraies confessions ». Cela donne du rythme au film et lui confère une originalité appréciable. François Civil surprend agréablement dans le rôle de l’amant leurré et Juliette Binoche impressionne de désespoir, son personnage est tellement perdu qu’elle perd les autres avec elle. Les très gros plans, nombreux, soulignent la justesse de leur jeu.

En bref Celle que vous croyez est un très bon film, bien joué, aux rouages bien huilés et au montage intéressant. Safy Nebbou réitère sa collaboration avec l’auteure Camille Laurens (après L’Empreinte de l’ange et Comme un homme) et intègre au film quelques-unes de ses expériences passées. En effet, il avoue avoir rencontré « une femme de l’âge de Claire, qui s’est fait passer pour plus jeune, comme elle. Cette histoire, vous voyez je parle ‘d’histoire’, m’est arrivé alors que j’étais en train d’écrire l’adaptation de Celle que vous croyez. ». Il a ainsi ajouté au film certains de ses échanges avec elle, pour encore plus de réalisme. Bouleversants de détresse, tous les personnages nous charment et nous nous prenons au jeu pendant l’heure et demi que dure Celle que vous croyez.

La bande-annonce ici 🙂

9 réflexions sur “L’amour abstrait (Celle que vous croyez, Safy Nebbou)

  1. Ping : Fille, Camille Laurens – Pamolico, critiques romans, cinéma, séries

  2. J’aime la façon dont tu en parles. J’ai beaucoup aimé ce personnage féminin torturé. J’ai remarqué que dans le film certains plans mettaient plus en valeur que d’autres Juliette Binoche qui paraissait parfois vieille presque « usée » et étrangement parfois étonnamment jeune, sûrement grâce aux jeux de lumière. Un film très intéressant en tout cas. Je vois que nous avons eu le même ressenti.

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    1. Exactement ! L’ambiance est vraiment feutrée, très particulière au début. Mais on voit l’effet de la lumière bleue sur les personnages, dans leurs lunettes, et on ne la perçoit pas directement, on ne doit voir l’écran de son téléphone que pendant deux scènes peut-être !

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