Beyrouth et la vieille dame (Les vies de papier, Rabih Alameddine)

Aaliya vit à Beyrouth, au Liban. Sa ville, c’est sa vie. Elle y a toujours vécu, chacune des soixante-douze années de son existence, elle les a passées dans cette capitale haute en couleur. Elle a connu les intifadas, les massacres des camps de Sabra et Chatila. Elle est seule, sans mari, sans enfant et revendique cette singularité qui pourtant lui pèse, comme Matisse regrettait de « ne pas peindre comme tout le monde ». Ses voisines qu’elle appelle « les sorcières » parlent fort, sont mariées, ont des enfants, prennent soin d’elles. Pas Aaliya qui se teint les cheveux en bleu par mégarde et préfère penser au prochain livre qu’elle va traduire plutôt qu’à son apparence ou à son prochain repas.

Dans ce roman, il est question de féminisme, de famille, de la vie libanaise mais avant tout d’art et de littérature. Jalonné de références, de citations et d’analyses plus ou moins succinctes d’œuvres diverses (Pessoa et Nabokov ayant sa préférence), le récit de l’héroïne est décousu, entrecoupé de souvenirs, d’escapades dans les rues tortueuses et torturées de sa ville, de visites et de réflexions toutes pleines d’esprit.

Le style est vibrant et l’histoire que Rabih Alameddine écrit à la première personne nous transporte. C’est une déclaration d’amour à la littérature et à la musique, mais il est difficile de lire ce livre comme un véritable roman tant cela ressemble aux chroniques d’une vieille dame ou à un journal intime. Le fait que l’auteur soit un homme ne rend que plus fort l’engagement, le féminisme qui se dégage de l’œuvre, cette aspiration à la liberté. D’autant plus qu’il sait de quoi il parle : ses parents sont tous deux libanais et il vit aujourd’hui à cheval entre Beyrouth et San Francisco. Il connaît ces traditions qui ont la vie dure, et ces rebelles, différents, qui tentent de creuser leur trou sans trop se faire remarquer mais sans plier, jamais.

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