Fellow Travelers, Ron Nyswaner

Si le premier épisode commence en 1986, dans un jardin cossu où un couple organise une petite garden-party, rapidement des flashbacks viendront expliquer par bribes les faits suggérés dans ce début in medias res – un invité impromptu interrompt la fête et les sourires se figent. En effet, cette série adaptée d’un roman de Thomas Mallon prend racine pendant la chasse aux sorcières du sénateur McCarthy, dans les États-Unis des années 1950. Hawk travaille alors pour un autre sénateur, cette fois démocrate. Sur les bancs d’un parc, il rencontre par hasard Tim, un anti-communiste convaincu et aspirant prêtre. Pressentant que ce jeune homme ingénu et idéaliste pourrait lui être utile, Hawk joue de ses contacts pour le placer dans le bureau de McCarthy et s’en servir comme d’un informateur. Bien vite, la tension qui était apparue entre les deux hommes fera des étincelles, le plus jeune s’amourachant de celui qu’il considérera comme un Dieu sa vie durant. La distance manifeste de Hawk fondra parfois, mais momentanément seulement, le politique de l’ombre, charismatique et ambitieux privilégiant toujours les apparences, et donc sa réputation, sa famille ainsi que sa carrière. Malgré ces choix, son caractère est très nuancé, comme celui de tous les protagonistes : les personnalités se dessinent peu à peu et évoluent, ce qui en fait des personnages complexes et très humains dans leurs contradictions.

L’homosexualité est alors un secret honteux qui ne doit exister que dans les chambres, protégé pendant la parenthèse formée par la nuit. De fait, les scènes torrides sont nombreuses dans Fellow Travelers, sans doute trop pour que leur message ne soit pas dilué dans un tel étalage de chair – certainement présentes pour accentuer l’engagement de la réalisation, elles tendent pourtant à la catégoriser et donc à se priver de toute une tranche de spectateurs, ce qui est bien dommage.

Le propos est pourtant universel puisqu’il s’agit avant tout d’une grande histoire d’amour, éminemment touchante tant les circonstances la mettent à mal et l’empêchent d’éclore au grand-jour. Fellow Travelers a ainsi pour cœur un pan de l’Histoire récente, et plus particulièrement de l’Histoire homosexuelle, si tant est qu’elle soit dissociable de celle de l’Amérique. La « Peur rouge » frappe aussi et surtout les minorités de plein fouet, Hawk et Tim courant sous les balles alors que leurs compagnons de mœurs tombent les uns après les autres, interrogés par les sbires de Hoover puis souvent traînés au tribunal. Cet épisode traumatisant marque les débuts du récit tandis que, à l’autre bout, la série est bornée par l’épidémie de Sida. Le scénariste, Ron Nyswaner, à qui l’on doit notamment le script de Philadelphia, navigue entre ces deux périodes, de plus en plus volontiers au fil des épisodes, prenant de plus en plus de liberté avec la temporalité. Il orchestre donc la vie de ses deux héros, de leurs comparses, noirs ou blancs, et de leur famille respective en liant les péripéties qu’ils vivent à ces deux moments clefs qui s’étirent dans le temps jusqu’à ce que les tentacules de l’un rejoignent celles de l’autre.

Politique autant que sociale, cette série engagée offre un écrin à une romance impossible, et même à d’autres, prises dans les tourments de leur temps, entre intimité souvent trop crue et vie publique, entrevues interdites et scènes domestiques figées, entre Washington, San Francisco et Fire Island, entre maccarthysme, libération sexuelle, addictions, luttes sociétales et Sida.

De : Ron Nyswaner
Avec : Matt Bomer, Jonathan Bailey, Jelani Alladin
Année : 2024
Nombre d’épisodes : 8
Durée moyenne : 60 minutes
A voir sur Canal +

4 réflexions sur “Fellow Travelers, Ron Nyswaner

  1. Elle me tente bien cette série !
    (un peu à cause de Matt et Jonathan, je confesse 👀)

    Après avoir lu ta chronique, je me dis que je vais attendre d’être dans un bon état d’esprit pour la lancer car ça risque de ne pas être évident au fil des épisodes

    Merci pour ce retour 😊

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