Sale bourge, Nicolas Rodier

Les phrases sont courtes et simples à l’excès, épurées de tout effet de style. Les pages sont très blanches, à l’opposé des faits relatés – aller droit au but quitte à aérer les lignes, à élaguer. Le narrateur est un homme ; il raconte au présent, il refait l’histoire, tente de comprendre sa mise en demeure, le déterminisme de sa violence. Son récit s’ouvre alors qu’il est encore enfant, en vacances avec sa fratrie, ses cousins, sa tante. Sa mère. Dès le début de ce premier roman, la violence suinte des mots. La pression morale, les gifles. Pierre est maltraité, même si le mot ne sera pas employé. Ils sont six frères et sœurs, c’est l’aîné. Ils sont scouts, catholiques, bien-pensants. Chez eux, on fait HEC ou Polytechnique. On réussit. On n’est pas homosexuel ou prof de philo. On brille en société. On ne dépare pas. Le père est éteint, la mère est dépressive, brutale, meurtrie par les violences et les abus passés – parce que la violence, c’est cyclique, répétitif. C’est intergénérationnel. En ayant été frappé, on frappe. Et parce que Pierre a été molesté, malmené, il est condamné à faire de même, victime devenant bourreau.

Dans les pas de Zola et de sa théorie héréditaire, Nicolas Rodier dénonce, il pointe du doigt. Ce n’est pas parce que le milieu est privilégié que la famille est blanche comme neige. Sale bourge semble donc partir du même postulat que Les choses humaines de Karine Tuil : être à l’abri du besoin ne signifie pas être à l’abri de l’agressivité, des bleus, des cris, des larmes. De la dépression. Si la description du biotope où évoluent ses personnages peut sembler à la limite de la caricature malgré la connaissance de l’auteur pour ce milieu social, le message est là, tout comme l’intention. La colère et les coups ne sont pas réservés à ceux qui sont les moins bien lotis, qui peinent à payer leur loyer. Insidieuse, elle exsude des pores de chacun, surtout s’il y a des précédents. Personne n’est protégé de ses attaques. En tout cas, Pierre ne l’est pas.

Les éditions Flammarion en parlent ici.

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10 réflexions sur “Sale bourge, Nicolas Rodier

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  2. valmyvoyoulit

    Il est dans ma pal, mais je ne n’ose pas le lire. En raison de ce que tu écris là : « En ayant été frappé, on frappe. Et parce que Pierre a été molesté, malmené, il est condamné à faire de même, victime devenant bourreau. » J’avais peur que ce message soit passé, alors qu’il ne me paraît tellement faux et il fait mal.

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    1. Je ne peux pas m’exprimer sur la question, je ne sais pas si c’est faux ou non. J’imagine qu’on absorbe forcément un peu de la violence qu’on reçoit, qu’on pousse de travers, mais que tout dépend ensuite de la personne, des circonstances,…
      En tout cas tout repose ici sur ce postulat donc effectivement, passe ton chemin.

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