Ce roman raconte les gens taiseux et durs de la montagne, tendres sous la carapace rocheuse qui les recouvre et les unit aux reliefs où ils sont nés. Trois personnages sont au cœur de la vallée où se niche le livre de Paolo Cognetti – deux frères et une femme, ancien amour de l’un, épouse de l’autre dont elle porte l’enfant. Fredo et Luigi sont très différents et la plume de l’auteur embrasse ces différences. L’alcool dans le sang que l’un combat et que l’autre épouse ; l’amour de la vallée que l’un n’a jamais quittée et dont l’autre s’est enfui pour lui préférer le Canada ; la stabilité de l’un, l’inconstance violente de l’autre. Un mélèze et un sapin. Un chien et un loup, ou bien deux sangs-mêlés comme l’animal qui fait courir les rumeurs, celui qui tue les bêtes alentours, bâtard gris sur lequel s’ouvre En bas dans la vallée.
Luigi, agent forestier veille sur la vallée que domine la maison de son défunt père. Pourtant, bientôt, des pistes de ski remplaceront la forêt, feront rentrer de force Fontana Freda dans la modernité, progrès qui n’en est pas un. Les arbres seront abattus, les vers sur lesquels s’achève le roman rendant un vibrant hommage à ces troncs fendus. Quant à la Sesia, rivière ou fleuve selon les interprétations, elle est polluée de produits chimiques qui contaminent les truites et forment un dépôt invisible sur la peau des courageux baigneurs – et ce n’est pas les produits utilisés pour farter les skis qui épureront l’eau.
Avec une douce âpreté, Paolo Cognetti se saisit de l’atmosphère d’un autre temps de la Valsesia qui tient tant à l’environnement, aux bois et aux nuages, aux brasseries miteuses au milieu de nulle part, qu’à la nature de ceux qui la peuplent. À la première puis à la troisième personne, il se glisse dans les pensées et dans les gestes de ses trois héros, dans leur quotidien, et décrypte sans le dire et sans rien dévoiler tout à fait les liens complexes qui les unissent, faits d’amour et de douleur, de rancœur et d’acceptation.
En bas dans la vallée est donc un magnifique roman aussi humain que les héros dépeints par l’auteur, à la fois fort et fragile, tourné vers hier davantage que vers les lendemains aussi menaçants que prometteurs.
En résonance : Un jour viendra, Giulia Caminito
Merci à NetGalley et à Stock pour cette lecture.
Paolo Cognetti – En bas dans la vallée
[Giú nella valle – traduit par Anita Rochedy]
2 mai 2024
Stock
156 pages
18,50 euros
je suis en train de lire… j’aime bien l’auteur en particulier « Les huit montagnes » …
je suis un peu désorientée avec celui-ci mais j’espère que la magie va opérer 🙂
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Le début avec les chiens aurait pu être plus bref, mais tu vas voir, le reste éclaire ces premières pages et embarque le lecteur !
Quant à moi je note et je souligne Les huit montagnes après toutes ces chaleureuses recommandations 🙂
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Je n’ai encore jamais lu cet auteur. Il faudra que je tente
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C’était une très belle découverte pour ma part et je pense qu’il répondrait bien à tes sensibilités littéraires.
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Je me demandais aussi si ça ne ressemblait pas un peu aux Huit montagnes, que j’ai beaucoup aimé. Je n’en fais pas une priorité, mais je suis assez curieuse.
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Je n’ai pas lu Les huit montagnes mais je note ce titre, vos deux commentaires me faisant envie ! Je pense qu’il y a en effet certaines similitudes, mais dans tous les cas, En bas dans la vallée est un très beau roman que je te recommande chaudement.
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Les huit montagnes avait été un grand coup de cœur, je n’hésiterai donc pas à lire celui-ci. Il me semble, à te lire, que les deux romans ont quelques points communs, non?
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Oui sûrement, même si je n’ai pas lu Les huit montagnes et que je me base uniquement sur son résumé pour te répondre. En tout cas ce fut une excellente lecture donc n’hésite pas 🙂
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