Les âmes errantes, Cécile Pin

Ahn, Thanh et Minh quittent le Vietnam alors qu’ils sont encore enfants malgré l’adolescence qui les enveloppe bientôt, l’acné qui apparaît, les corps qui changent. Ils sont forcés de grandir trop vite, surtout Ahn, l’aînée, la mère de substitution de ses deux frères, alors que tous sont désormais orphelins. D’un centre transitoire sur les docks de Hong-Kong à un camp de réfugiés peuplé de bungalows blancs, entre Asie et Angleterre, la fratrie avance doucement vers son destin, ses traumatismes nouant les gorges, bagages trop lourds pour ces Atlas bien jeunes. Leurs fantômes les poursuivent, les hantent, à la fois bienveillants et sources de tant de douleur. Le petit frère adoré, Dao, est une âme errante qui intervient parfois brièvement, le cœur gros animé d’une poésie lancinante. Lui et les siens, boat people malheureux, sont morts avant avoir pu rejoindre Ahn, Thanh et Minh, ces trois petites lumières désormais seuls espoirs de réussite, d’avenir meilleur et de bonheur.

Cécile Pin crée des personnages infiniment touchants, dont les souffrances ont quelque chose de vrai et de vibrant qui se transmet au texte, aux phrases, vérité héritée du passé de sa mère, en partie au moins. S’y glissent quelques interventions de l’autrice, presque tout aussi émouvantes que le récit de ces trois héros, des bribes justifiant le titre, jetant un autre éclairage sur le racisme ici et là-bas, pendant la guerre et après, celui d’alors et celui d’aujourd’hui. La primo-romancière suit les pensées d’Ahn, découvre l’Angleterre avec ses yeux, les saveurs trop sucrées des spécialités locales, la terre trop plate et trop vide, puis, bientôt, la foule trop bruyante du Vietnam, celle qu’elle et ses frères ont quittée adolescents et ne reconnaissent plus. L’autrice s’est efforcée de trouver le juste équilibre entre moments éprouvants et moments heureux, joie et peine, faisant ainsi des Âmes errantes un concentré d’une sensibilité aussi douce que déchirante.

Merci à Stock et à NetGalley pour cette lecture.

Cécile Pin – Les âmes errantes
[Wandering Souls – traduit par Carine Chichereau]
Stock
23 août 2023 (rentrée littéraire d’automne 2023)
285 pages
20,90 euros

Ils/elles en parlent aussi : Kimamori. Passeure de livres. Bouquine bouquin. Les livres d’Ève

16 réflexions sur “Les âmes errantes, Cécile Pin

  1. Ping : « Les âmes errantes » de Cécile Pin – "Les livres d'Eve"

      1. Nous n’avons sans doute pas lu les mêmes articles alors. Merci ceci dit pour votre passage, j’étais persuadée d’avoir mentionné (en nuançant) l’origine de cette histoire et le lien avec la propre expérience de la famille de l’autrice. C’est chose faite.

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  2. Ping : Noël 2023 – livres en pagaille – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

    1. Tu as très bien résumé les choses. C’est un très beau roman, sensible, dur mais doux aussi. Il te plaira sûrement ! (D’ailleurs, je crois que tu as désactivé les commentaires sur ton blog et on ne peut plus laisser quelques mots suite a tes billets, mais peut-être est-ce volontaire ?)

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