Astra est l’héroïne du roman éponyme, mais une héroïne dont la silhouette est creusée par l’absence. Ce sont tous ceux qui l’entourent qui la racontent au fil de sa vie, de sa naissance dans une ferme communautaire à sa vie de grand-mère. Marquée par l’esprit libertaire et peu responsable de son père, par des cicatrices héritées de ses déambulations enfantines, sans contraintes, l’adolescente grandit avec un besoin dévorant d’attention et d’affection. Elle s’accroche à des hommes et à des femmes, leur prenant tout en offrant bien peu avant de réaliser que la relation est vouée à l’échec et de fuir, encore et toujours. Dès les premières pages, Astra apparaît comme une protagoniste peu sympathique, égocentrée et difficile à comprendre. Elle est nimbée d’une aura mystérieuse qui en fait une étoile à saisir pour tous ceux qui la croisent, une lumière à capturer. Cedar Bowers parvient à doter ce personnage d’une véritable identité malgré ses parts d’ombre, malgré les ellipses, lui offre une histoire, et elle arrive aussi à effleurer des sujets complexes. La filiation est au cœur de ce livre, Astra concentrant toutes ses facettes – fille indésirée, orpheline de mère, fille de substitution ou fille adoptée tardivement, sœur idolâtrée, mère étouffante. Mouvante, sa personnalité n’en est pas moins éclatante, rayonnant sur Astra et sur toutes les voix qui en constituent le chœur si harmonieux.
Pour ce premier roman, l’autrice fait en effet le pari audacieux de créer une anti-héroïne qui se dessine grâce aux impressions des autres. Construite par strates, par des ressentis qui sonnent étonnamment justes, Astra n’en est que plus sibylline – l’épouse de Michael Christie développe ainsi la même appétence que lui pour les narrations étonnantes et marquantes. Si cette structure peut frustrer, étoilant des existences et les faisant converger vers un seul soleil, quitte à les éclipser, elle confère au livre tout son charme, toute sa profondeur étrange et sa poésie fluide. Les perspectives se suivent sans se ressembler, griffonnant un portrait en creux qui s’affine, se dédouble pour que, finalement, ce soit l’imagination du lecteur qui l’achève – ou presque.
Merci aux éditions Gallmeister qui en contribuant à enrichir aVoir aLire ont également contribué à enrichir Pamolico.
Cedar Bowers – Astra
[Astra – traduit par Juliane Nivelt]
Gallmeister
6 janvier 2023 (rentrée littéraire d’hiver 2023)
324 pages
23,80 euros
Ils/elles en parlent aussi : Read look hear. Les passions de Chinouk
Quelle couverture magnifique !
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Et en plus elle illustre parfaitement le roman !
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Comme tu en parles bien Ceciloule ! J’ai très envie de lire ce livre après t’avoir lue parce que j’aime les approches plurielles qui indiquent l’infinie complexité que nous sommes
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Alors tu l’aimeras, j’en suis sûre. Un grand merci pour ton commentaire !
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