Rifkin’s Festival, Woody Allen

Fidèle à lui-même, Woody Allen persiste et signe un énième chassé-croisé amoureux, délaissant cette fois Paris et New-York – dont l’ombre romantique plane néanmoins sur la réalisation – pour San Sebastian et son festival de cinéma. Errance dans les rues ensoleillées de la ville espagnole, entre hôtel luxueux et terrasse au bord de la mer, tapis rouge et cocktail chic, Rifkin’s Festival suit Mort, incarné par Wallace Shawn, et Sue, sa femme – Gina Gershon. Celle-ci est agente de presse et représente l’une des coqueluches de l’événement, Philippe, un réalisateur à la mode interprété par Louis Garrel. Entre Sue et Philippe, le désir est palpable, iridescent, tandis que Mort reste en périphérie, incapable de franchir la frontière qui le sépare de ce couple adultère en devenir malgré ses tentatives entre amicalité pressante et agressivité tangente. Philippe est prétentieux, caricature de l’artiste français propre sur lui et plein d’assurance, faussement humble, tandis que Mort, ancien professeur de cinéma, pourrait être la version âgée et sans charme du personnage incarné par Timothée Chalamet dans Un jour de pluie à New-York, un flâneur qui préfère le passé au présent – un amoureux de La Nouvelle Vague, un intellectuel rêveur qui transpose sa vie en scènes mythiques des longs-métrages d’hier.

Sous la couette blanche, silhouettes diaphanes dressées, Jean Seberg et Jean-Paul Belmondo sont remplacés par les deux époux ; les essuies-glace balaient les visages d’un homme et d’une femme sur un air de chabada ; Philippe rechausse Sue sous la table, pâle imitation de Viridiana de Buñuel ; Mort livre une partie d’échecs avec la faucheuse du Septième Sceau de Bergman, face à la mer. Outre ces passages en noir-et-blanc – et les autres rêveries de Mort, entre Suède, Espagne et France d’hier –, les couleurs se délavant alors peu à peu pour mieux laisser Woody Allen rendre hommage aux maîtres du cinéma, le long-métrage suit un cheminement classique chez le réalisateur, pas de deux sur fond de jazz dansant. Sue et Philippe roucoulent en attendant de passer à l’acte, Wallace erre dans la ville, virant bientôt hypocondriaque pour mieux revoir Jo, la belle cardiologue espagnole de trente ans sa cadette pour qui il ressent une attirance tendre.

Rifkin’s Festival – du nom de famille du héros –, est en réalité une ode à l’art ou plutôt une raillerie du milieu artistico-intellectuel et, d’ailleurs, un autre personnage de créateur vient parfaire le tableau : le mari de Jo, un homme tempétueux, infidèle et apparemment suicidaire.

Cependant, ce cinquantième long-métrage du réalisateur flirte avec la redite, malgré les jolies mises en abîme, malgré les cartes postales ensoleillées, malgré le subtile humour signature qui parsème le film. Les réflexions sur le couple, la fidélité, l’amour et le septième art sont là, sous-jacentes comme dans tant des réalisations d’Allen, ne suffisant pas vraiment à faire de Rifkin’s Festival davantage qu’une balade pavée de sentiments contradictoires, hymne au cinéma du siècle dernier porté par des personnages peu attachants.

De : Woody Allen
Avec : Wallace Shawn, Elena Anaya, Gina Gershon, Louis Garrel
Genre : Comédie / Romance
Durée : 1h32
En salles depuis le 13 juillet 2022

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14 réflexions sur “Rifkin’s Festival, Woody Allen

  1. Les derniers films de Woody Allen ont été des déceptions. Le dernier Woody Allen vu au cinéma c’est « L’homme irrationnel » avec Emma Stone et Joaquin Phoenix. J’avais bien aimé mais on sentait déjà une inspiration en berne pour ce cher Woody Allen que j’adore. Reste les classiques qu’on ne se lasse pas de revoir. Le dernier Clint Eastwood est plutôt mauvais. Ils vieillissent et font ce qu’ils savent faire le mieux mais un curieux sentiment de répétition pour moi en tant que spectateur. 😉🌞😊

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    1. Je n’ai pas vu les plus anciens et il fait que j’arrive à les trouver ! C’est vrai que les tout derniers ne sont pas mes favoris… et je crois que c’était là sa réalisation finale.
      Je ne suis pas allée voir le dernier Clint Eastwood, rebutée par les critiques. C’est vrai que quand on connaît bien une œuvre, un sentiment de déjà-vu a tôt fait de s’installer 😉

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      1. Oui totalement, je préfère me souvenir de leurs sublimes films tant aimé plutôt que de leurs dernier films qui ne rendent pas honneur à leurs talents, leurs carrières. C’est un peu pareil en musique, combien d’artiste reste intéressant en vieillissant, souvent leurs premiers albums sont les meilleurs 😉

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  2. Ping : [Cinéma] Vos coups de cœur/déceptions de juillet 2022 – SeriesDeFilms

  3. Maximelefoudulivre

    Bonjour Ceciloule,
    Merci pour la critique.
    Je suis d’accord quand tu parles de la réflexion autour du couple et des jolies mises en abime.
    Je trouve l’humour très subtil aussi.
    je ne connaissais pas ses films, res eadum pour les hommages aux films de la nouvelle vague (un jour je m’y mettrai peut être mais ce n’est pas le sujet) et j’admets que je n’ai pas été emballé.
    En revanche, oui, selon moi Woody Allen nous prend par la main, nous accompagne dans une petite balade et nous laisse au milieu de la forêt.
    Bonne soirée
    Chaleureusement,

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    1. Hello Maxime, merci à toi de ce passage. Oui cet humour tout en finesse est typique du réalisateur, mais ici il reste finalement très peu présent.
      Ce n’était sans doute pas le bon film pour rencontrer Woody Allen et son univers, je vais réfléchir pour t’en faire découvrir un autre, plus représentatif et moins réflexif (quoiqu’ils le sont tous plus ou moins).
      Jolie image que cet abandon métaphorique, au cœur des images ceci dit et non des arbres 😉
      Bonne soirée !

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    1. MEZIERE

      Bonsoir,
      Ai je bien vu un film de Mr ALLEN ..fatigué ? c’est juste ruisselant de platitude ..Les répliques ne sont pas percutantes noyées dans les redites et textes longs ..
      On se laisse presque endormir comme dans un rêve de fin de carrière de Mr Woody ALLEN ..on ne lui en voudra pas ..qu’il parte sur une vague …celle d’hier n’est plus d’actualité 🤔

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      1. Bonjour,
        Oui, je suis moins dure que vous mais c’est vrai qu’on s’ennuie un peu quand même… les refontes des scènes classiques auraient mérité d’être un peu plus creusées mais l’idée est bonne finalement.
        Je crois que c’est possiblement son dernier en plus…

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