OSS 117 : Alerte rouge en Afrique Noire, Nicolas Bedos

L’espion prodigue en Afrique Noire

Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117 est de retour, toujours aussi misogyne, raciste, plein de préjugés en tout genre, indécrottable giscardien effrayé par les communistes et indéfectible ami des bêtes. Cette fois, il est chargé de voler au secours d’une nouvelle recrue, OSS 1001. Serge, jeune et à la pointe de la mode (de l’époque) – après tout il laisse sa part féminine déteindre sur son look pour le plus grand bonheur de ces dames – a atterri en Afrique deux semaines plus tôt et n’a pas donné signe de vie depuis… Sa mission ? Étouffer la rébellion qui couve et priver les insurgés de leurs armes pour garantir une victoire de la démocratie, celle du président Koudjo Sangawe Bamba, certain d’être élu avec 84% des voix et le soutien de la France.

Le portrait d’une époque, fidèle caricature

Outre l’humour noir, bête et méchant, flirtant parfois avec un absurde délicieux, les répliques savoureuses et les moues de Jean Dujardin, en pleine forme malgré les traitrises de son corps vieillissant, OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire est aussi l’occasion pour Nicolas Bedos et le scénariste, Jean-François Halin, de dépeindre une époque. Nous sommes en 1981 et la vague d’indépendance des colonies des anciennes puissances européennes continue à balayer l’Afrique et l’Asie ; la Guerre Froide dégèle à peine ; la France se blottit sous l’aile de la toute-puissante sagesse de Valéry Giscard d’Estaing bientôt éclipsée par la promesse sociale de Mitterrand, alors vu comme un « Rouge ». Les costumes, désuets, et le grain de l’image, qui ajoute au charme suranné, se mêlent aux images chamarrées de l’Afrique des boubous et des marchés dans une photographie soignée qui souligne encore davantage le côté parodique de ce troisième film mettant en scène le fameux espion français – d’ailleurs, nous ne saurons pas dans quel pays du continent noir se déroule l’intrigue, le titre venant d’ores et déjà annoncer la dérision à venir du long-métrage et le mépris raciste qu’il tourne en ridicule. Dès le générique, les liens avec James Bond pullulent : entre femmes dénudées, martinis et costumes trois-pièces, teintes vives à peine passées, OSS 117 reste d’abord un pastiche, même s’il est davantage que cela.

La verve de OSS 117 davantage bridée

Pierre Niney est là comme un double jeune et réfléchi, intelligent et méticuleux là où son aîné multiplie les gaffes. D’ailleurs, après s’être réfréné pendant de longs jours, Hubert laisse libre court à un franc-parler qui ne manquera pas de faire grincer des dents aujourd’hui. OSS 1001 sert ainsi de gage de bienséance, peut-être comme une garantie alors que la chasse aux sorcières et à l’humour de mauvais goût n’est plus que jamais d’actualité dans notre société. Pourtant, c’est cette malice réactionnaire et pleine d’irrévérence qui fonctionne et qui fait la réputation des OSS 117. Si certaines scènes ne dérogent pas à la règle et font volontiers éclater de rire, la présence du jeune espion réprime quelque peu les ardeurs railleuses et spontanées du héros tout en mettant en avant sa bêtise débridée.

Une mission finalement assez réussie pour Bedos et ses OSS

Ainsi, ce long-métrage offre un très bon moment mais aurait pu aller encore plus loin dans l’audace et le second degré. Hubert est raciste et macho, mais l’humour noir des précédents opus est davantage bridé ici malgré de nombreux clins d’œil aux réalisations précédentes et ce malgré un changement de réalisateur : Michel Hazanavicius a passé la main. D’ailleurs, Nicolas Bedos l’admet lui-même : « Le 3 arrive chargé de l’arrogance du succès des deux précédents, comme écrasé par un plaisir rétrospectif, il ne bénéficie ni de la surprise du premier ni de l’amicale confirmation du second, il fait suspecter l’opération commerciale et la facilité. D’autre part, entre le 2 et le 3, la société a bien changé et le fossé s’est creusé entre ceux qui trouveront toujours qu’un tel film n’est pas suffisamment transgressif et ceux qui, au contraire, lui reprocheront de pratiquer un humour « offensant ». »

En tout cas, nous attendrons avec impatience la suite des aventures d’Hubert Bonisseur de La Bath – car suite il y aura forcément…

De : Nicolas Bedos
Avec : Jean Dujardin, Pierre Niney, Fatou N’Diaye
Genre : Comédie / Espionnage
Durée : 1h56
Sorti en salles le 4 août 2021

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33 réflexions sur “OSS 117 : Alerte rouge en Afrique Noire, Nicolas Bedos

  1. Merci Cécile de défendre avec brio l’humour que j’apprécie, celui de notre inénarrable Hubert Bonisseur de La Bath, alias OSS 117, avec un Jean Dujardin que personnellement j’adore car aussi à l’aise sous la direction de Polanski, que sous celle de Hazanavicius, et certainement celle de Bedos. J’aime bien ce dernier pour son côté humour « anarchiste » et débridé😉. J’irais voir OSS 117, tu m’as convaincu et Kaamelot aussi. On a besoin de rire plus que jamais par les temps qui courent. Ton texte est brillant mais c’est une habitude pour toi Cécile, ce qui rend ton blog si passionnant à suivre ! 😊

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    1. Merci à toi de ce commentaire si élogieux qui me fait chaud au cœur !
      Dujardin est indéniablement talentueux et c’est un vrai caméléon, capable d’embrasser n’importe quel rôle, je suis bien d’accord avec toi 🙂
      Pour Kaamelot, j’y suis allée et je ne l’ai pas chroniqué (une fois n’est pas coutume) mais j’ai été déçue. Le film ne décolle pas et l’ensemble n’est finalement pas très drôle…
      Merci encore et bonne journée à toi Fred 🙃

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      1. J’ai passé un très bon moment devant ce film. J’adore les 2 premiers et je craignais de voir ce film qui faisait à mes yeux fan service mais au final j’ai retrouvé dans l’ensemble l’ambiance des OSS. Dommage que certains personnages soient sous exploités…

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      2. Très bon moment pour moi aussi, même s’ils auraient pu aller légèrement plus loin dans l’irrévérence… et effectivement, certains personnages auraient mérité d’être davantage mis en avant, mais l’ensemble est assez réussi malgré tout, je suis d’accord 🙂

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  2. Quel besoin en effet d’habiller ces vannes de tant de vêtements respectables, encore une manie d’occidentaux qui redoutent les foudres du jugement moral. Alors que l’humour ne demande qu’à respirer au grand air, à s’affranchir du carcan du hashtag.
    Heureusement, ton superbe texte rend brillamment hommage à la mission. 😀

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      1. même au quatrième ou cinquième mais je n’y arrive pas… j’ai réussi à regarder le 1er au Caire avec Bérénice Bejo mais dur, dur
        Dujardin y est pour quelque chose aussi je pense… Trop omniprésent sur les écrans depuis son oscar..

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  3. Maximelefoudulivre

    Bonjour et merci 🙂

    J’ai aimé le film et je suis très content de retrouver ce personnage que j’adore.
    Ils auraient pu aller un peu plus loin dans certaines péripéties mais je comprends qu’ils aient pas souhaité pousser encore plus les traits de caractère du personnage d’Hubert Bonisseur de la Bath.

    Je vais peut être m’attirer les foudres de certains mais je ne trouve pas le personnage d’OSS 1001 nécessaire. L’esprit de la relève et de la différence entre les deux agents sont une mise en scène légitime mais Jean Dujardin est tellement bon dans son rôle que je le trouve plus drôle quand il est seul 🙂

    Il y a une scène marrante avec les deux mais sinon j’ai vraiment retenu les sketchs où Hubert alias 0SS117 est seul.

    Je vous souhaite une excellente journée 🙂

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    1. Je comprends aussi dans le contexte actuel mais on regrette un peu sa réserve malgré tout…
      Comme je l’écris, Pierre Niney a un rôle paradoxal, soulignant les contradictions d’OSS 117 tout en les minimisant. Son personnage n’est pas inutile à mon sens, loin de là, peut-être seulement mal exploité dans certaines scènes…?

      Bonne soirée !

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      1. Maximelefoudulivre

        Merci pour le retour !

        Oui peut être qu’il est mal exploité mais pour moi il n’est pas nécessaire. Il est utile oui pour le scénario car le réalisateur voulait mettre en scène un agent de nouvelle génération mais bon.

        Bonne soirée 🙂

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