La rage de vivre (Une joie féroce, Sorj Chalandon)

Les premières pages d’Une joie féroce sont très dures. La découverte du mal, la solitude, la peur de la mort, l’angoisse, l’hôpital. Mais il faut s’accrocher, comme le fait Jeanne. Il faut s’accrocher parce que, peu après, la lumière rentre doucement dans sa vie, au fur et à mesure qu’elle assume son statut de « dame au camélia » (cette fleur remplaçant ici le nénuphar de la Chloé de Boris Vian). La lumière vient aussi de trois femmes, de trois drôles de dames que Jeanne croise en salle d’attente. Il y a Brigitte la douce, Assia la mauvaise, celle dont il faut percer la carapace, et Mélody, « la môme ». Grâce à elles, Jeanne accepte la vie, accepte aussi que le monde continuera après elle, que sa mort ne serait pas sa fin. Leur douleur les rassemble, plus encore que la maladie. Leur manque d’enfant, d’amour. Elles sont liées, ont besoin les unes des autres pour pouvoir parvenir à enfin croquer la vie à pleines dents en n’ayant jamais été aussi proches de la perdre, la vie. C’est d’ailleurs pour cela qu’elles sont prêtes à tout, qu’elles deviennent insolentes, intrépides, même.

Ce roman est un tour de force. Sorj Chalandon ne nous avait pas habitués à évoquer des sujets du quotidien, mais à situer ses œuvres dans un contexte social, politique et historique bien particulier – Mon traître et Retour à Killybegs s’attardaient sur les tensions en Irlande du Nord, Le quatrième mur avait la Guerre du Liban pour toile de fond. Il raconte ici une autre guerre, le cancer. Mais il raconte aussi tellement plus. Il raconte surtout ce que l’existence a de magique, ce qu’elle peut devenir grâce aux bonnes personnes, et surtout ce qu’elle peut devenir quand on prend conscience de sa finitude. Il parvient à ramener le cancer du côté de la vie en l’arrachant à la mort, il parvient à livrer un livre plein d’humanité, de tendresse et d’une justesse bouleversante. Un coup de cœur.

Merci à NetGalley et aux Éditions Grasset pour cette lecture.

Ils en parlent aussi : Ma voix au chapitre, Christl bouquine, Les livres d’Ève, Vagabondage autour de soi, Les livres de K79, Sur la route de Jo Stein, Éléonoreb, L’art et l’être, Stephalivres, Aude bouquine, Valmy voyou lit, Liseuse hyperfertile, Le coin des livres, Entre deux livres, Les lectures d’Hatchi, Les lectures d’A, Sonia boulimique des livres, Mélie et les livres, À mes heurs retrouvés, Girl kissed by fire, La livropathe, La parenthèse de Céline, Le temps libre de Nath, Au fil des livres, Je me livre, Coquecigrues et ima-nu-ages, Les quotidiennes de Va

16 réflexions sur “La rage de vivre (Une joie féroce, Sorj Chalandon)

  1. DisMoi10phrases

    Pour une fois, sur ce roman, Sorj Chalandon est assez clivant 😅
    Dans « Une promesse » il avait su brillamment se glisser dans le quotidien de « petites gens » de la cambrousse. Un roman lent et poétique merveilleux.

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      1. DisMoi10phrases

        J’ai eu beaucoup de mal à me plonger dans le 4e mur. Mais au bout de 100 pages je l’ai lu d’une traite 😁
        Mais mon coup de coeur c’est « Profession du père ». Terrible. Glaçant. Bouleversant !

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  2. J’aime sa façon de soudainement changer notre point de vue au trois quart du récit. Il avait utilisé le même artifice dans Le jour d’avant. Un auteur qui mériterait de figurer sur les listes de prix littéraires. Mais, curieusement il y figure rarement.

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  3. Sorj Chalandon est un auteur que je mets au sommet de ma PAL. J’ai trois-quatre livres à finir dans celle-ci et après je me lance. En plus je suis moi aussi chez NetGalley. Ta critique m’a convaincu et elle est vraiment belle. J’avais adoré le livre « Les derniers jours de Rabbit Hayes » d’Anna McPartlin. Tu l’as lu ? On est sans doute dans la même veine. Excellente soirée à toi 😊

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