Conxa, la cinquième d’une fratrie de six, est confiée à son oncle et à sa tante alors qu’elle n’est qu’une enfant. Le couple solitaire l’accueille comme si elle était leur fille, lui prodiguant de petites attentions sincères qu’elle remarque plus tard, trop tard. Le temps file vite dans ces pages simples relatant une vie simple. Dans les montagnes catalanes, Conxa s’occupe des foins et des près, des bêtes et de la cuisine, grandissant saison après saison, paragraphe après paragraphe, jusqu’à rencontrer son futur époux. Elle se marie à son tour, mais la vie change finalement bien peu avant la naissance de sa première fille, Elvira. Les clairons de la Première Guerre mondiale ne retentissent pas à Pallarès, ni à Montsens, laissant les hommes en paix. L’entre-deux-guerres est serein quoique les ventres aient faim – les champs sont fauchés, les danses continuent, les chants aussi. Mais à la veille de la Guerre d’Espagne, les sympathies politiques de Jaume pourraient bien valoir des ennuis à sa famille.
Avec beaucoup de sobriété, d’une plume efficace qui se suffit à elle-même, Maria Barbal relate ainsi toute une vie sur laquelle ricochent les affres de l’Histoire jusqu’à la transformer. Franco n’est jamais nommé, les événements passent vite mais font souffrir celle qui se taisait, et, rapidement, se dévide le reste de l’existence de Conxa. Dans ce roman de 1984, l’autrice semble faire sienne l’ignorance de ses héros qui vivent loin de la ville jusqu’à répondre à son appel, sans véritablement comprendre les soubresauts du pays jusqu’à y être confrontés.
En résonance : Le temps des cerises de Montserrat Roig (1977) qui évoque de manière très différente le régime franquiste
Maria Barbal – Celle qui se taisait
[Pedra de tartera – traduit par Marie Vila Casas]
Charleston
Mai 2023 (parution originale : 1984)
197 pages
19 euros
Ils en parlent aussi : Une souris et des livres
La Guerre d’Espagne n’a pas fini d’inspirer les auteurs/autrices. C’est une période qui cristallise tellement de choses. Javier Cercas, je pense à ses romans que j’adore. Je note celui-ci que je ne connaissais pas de Maria Barbal. Merci Cécile pour cette découverte ! 🙂
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Je t’en prie ! Les événements sont abordés avec distance et rapidité, nous invitant à faire quelques recherches de notre côté, mais ce parti-pris m’a interpellée puisque l’autrice se glisse ainsi davantage dans la peau de ses personnages.
Tu me rappelles d’ailleurs qu’il faut que je découvre Javier Cercas… merci 🙂
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C’est une période en Espagne qui m’intéresse beaucoup, mais tu ne sembles pas tout à fait enthousiaste…
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Si pourtant ! C’est un roman très sobre mais l’héroïne est touchante. L’éloignement du village par rapport à Barcelone et au reste de la société en fait un lieu qui subit différemment les violences au sein du pays, mais c’est justement intéressant de les voir de ce point de vue.
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